L'interview azimutée de Marine Barnérias
C’est un tempérament de feu. Et son énergie, son appétit de vie, son élan hors norme traversent et portent de bout en bout son premier film Rosy, en salle le 5 janvier. Rien ne prédestinait Marine Barnérias à réaliser un film pour le cinéma. Cette jeune femme atteinte de sclérose en plaques est une aventurière. Pour sentir son corps, calmer son mental et se reconnecter à son intuition, après le diagnostic de sa maladie, elle est partie explorer, seule, la Nouvelle-Zélande, la Mongolie et la Birmanie. Son voyage, qu’elle documente avec son téléphone pour les réseaux sociaux, s’est transformé en long-métrage pour le grand écran. S’il y manque – du fait du dispositif rétrospectif – des instants contemplatifs et des images plus soignées, il demeure que Rosy (surnom que Marine donne à sa maladie) touche par la personnalité attachante de son héroïne et le message gorgé d’espoir qu’il véhicule. Comme ce documentaire si personnel est en soi un pas de côté, un geste spontané et singulier, nous avons proposé à son auteure de se prêter au jeu de notre interview azimutée.
Pas du tout. Ce mot « orientation » n’a pas fait partie de mon vocabulaire ces six dernières années de ma vie. On peut s’imaginer en voyant une fille partir toute seule à l’autre bout du monde qu’elle détient un sens de l’orientation ultime et pourtant, je suis la pire copilote du monde ! Cela dit, j’atterris toujours au bon endroit. Je n’ai pas le sens de l’orientation dans la vie de tous les jours, mais quand vous êtes seule face à vos peurs et vos doutes, votre intuition vous guide. Ce que j’ai ressenti m’a permis d’avancer et d’arriver à bon port.
Mon intuition a toujours été là, sauf qu’avant, je ne l’écoutais pas. Pendant mon voyage, elle m’a guidée et maintenant, elle fait partie de ma vie.
Il est synonyme de « tout est possible ». Quand je vois la ligne d’horizon, je me dis qu’aucun obstacle ne peut m’empêcher de rêver, de penser, d’innover, de créer.
La fleur d’oranger. Elle a quelque chose à la fois d’amer et sucré que j’aime bien. Et elle est intemporelle.
Le bruit des vagues.
Elle fait partie de mon quotidien.
Je dors les volets ouverts et mon réflexe est de regarder ma fenêtre et de dire « Bonjour, le ciel ! ». Puis : petit déj ! Rien que son odeur me met en joie. C’est mon moment préféré de la journée.
Ploumanac’h. C’est un havre de paix dans les Côtes d’Armor, au nord de la Bretagne, perdu dans les rochers roses. C’est un endroit où la mer, l’iode, le sel, tous les éléments m’imprègnent instantanément. Vingt-quatre heures là-bas et je suis rechargée.
Champagne.
Ma grand-mère a intitulé ses mémoires Tout est grâce. On en a parlé il y a peu ensemble. Pour moi, c’est quelque chose qui nous dépasse. Ma grand-mère, elle, a précisé sous son titre : « Marche et rencontre ». Tout ce qu’on vit quand on sort de sa zone de confort – une rencontre, une aventure, une audace – peut nous faire grandir. Ce qu’on est en mesure d’accueillir sur notre chemin est une grâce.
Il y en a eu plein. En lien avec ce film, il y a ce moment où, avec ma monteuse, nous avons locké l’image du film après tous ces mois de montage… Nous avons fondu en larmes, avec la conviction que nous avions été jusqu’au bout du processus. Quand Matthieu Chedid nous a livré la dernière note de musique, c’était la même sensation : celle que nous n’aurions pas pu faire différemment, sachant que je suis une éternelle insatisfaite. Cette sensation de ne faire plus qu’un avec ce qu’on raconte est incroyable. J’ai aussi vécu cela devant deux mille malades à Lourdes lors d’une conférence. Jamais je ne me suis sentie aussi petite, face à l’univers aussi grand.
Les mantras évoluent selon nos âges. Celui qui m’anime actuellement, c’est : « La floraison est infinie quand on commence à s’écouter dans la vie ».
Je ne me suis jamais posé la question. Quand j’avais cinq ans, on se moquait de moi dans l’ascenseur, car j’avais une voix de camionneuse. Aujourd’hui, je cohabite bien avec cette voix grave, un peu rock. Je sais juste que parfois, elle fait un peu trop de bruit.
Celle d’André Dussollier. Et celle de Jean d’Ormesson.
Quand ma grand-mère, qui a six enfants et dix-sept petits-enfants, et qui, pour moi, est une très grande dame, m’a regardée et m’a dit : « Je pense que je pourrais mourir demain. Je me sens bien, apaisée. J’ai donné tout ce que je pouvais à mes enfants et petits-enfants ». Son regard était si beau… Il y a eu un long silence après ses mots. C’était un moment magique.
La douceur était un mot absent de mon vocabulaire jusqu’à il y a peu. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de haine en moi et que Rosy m’a permis de faire entrer de la douceur dans ma vie. J’ai encore toute la vie pour apprendre ce que signifie être doux, avec quelqu’un, avec soi-même. Long voyage en vue !
Lors de ma tournée pour Rosy. Je suis partie avec Gina Taupenot, qui travaille depuis une vingtaine d’années chez Gaumont, et qui a un fort tempérament. On peut dire que le sport ne fait pas trop partie de sa vie. Et à Perros-Guirec, chez moi, je l’ai fait monter à cheval ! J’ai rarement autant ri… Je l’ai portée avec mes dix doigts, aidée par ma monteuse, sur le dos du cheval, alors qu’elle en a la phobie. Une fois en selle, Gina a fait comme sur l’affiche de Rosy : elle a levé les bras en l’air. C’était dingue et tellement drôle !
Il est bavard. Mais c’est mon meilleur pote, car il m’aide à solutionner pas mal de problèmes.
Tintin. Car il est aventurier, il n’a peur de rien, il est décalé, drôle, simple, et authentique.
J’adore.
Être heureuse.