Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg : les crossovers

Mercredi 19 septembre : Holiday d'Isabella Eklöf et Pig de Mani Haghighi

La compétition Crossovers du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg propose cette année dix œuvres très différentes. Ces films ne sont réunis que par leur caractère inclassable, leur capacité à flirter avec le film de genre sans jamais adhérer totalement à l’une ou l’autre catégorie. Projeté aujourd’hui : Holiday d’Isabella Eklöf et Pig de Mani Haghighi.

HOLIDAY 

Son titre est implacablement cynique. Sous le soleil de Bodrum, une jeune femme blonde rejoint un homme, un clan, une clique de truands pour quelques jours de vacances. Le film, très cru, observe l’ascendant d’un trafiquant de drogue, d’un pur sociopathe, sur la jeune femme. Elle découvre et subit cet univers, tandis que le spectateur s’interroge progressivement sur sa fuite ou sa révolte.

Malgré son cadre, malgré la Turquie, l’été, la chaleur, Holiday est un film froid. Son processus distant, calculateur, analytique et quasi pervers ne manquera pas d’évoquer le cinéma de Michael Haneke. Comme chez le cinéaste autrichien, on reste là à distance des personnages et de leur terrible inhumanité. Mais cette distance, plus anthropologique que cynique, ne saurait masquer la fascination et la tendresse de la cinéaste, Isabella Eklöf, pour son personnage principal.

En un sens, ce rapport pudique de la réalisatrice à ses protagonistes vient souligner une grande qualité d’écriture.

 

 

Holiday d'Isabella Eklöf. DR.

PIG 

Pig arrive sur nos écrans à l’heure où les cinéastes iraniens peinent à dévoiler leur œuvre au reste du monde. Le dernier festival de Cannes a ainsi souffert d’une polémique liée à l’absence de Jafar Panahi, artiste largement consacré dans le monde et plus précisément à la Berlinale. Son nouveau film pouvait donc voyager, à l’inverse de son auteur, qui prenait le risque de ne jamais pouvoir rentrer au pays.

Le cinéaste Mani Haghighi s’intéresse précisément à un réalisateur blacklisté par le pouvoir. Son protagoniste, Hasan, végète. Il ne peut tourner et exerce au mieux son art au fil de publicités médiocres et délirantes. Peu à peu, ses confrères sont décimés, l’un après l’autre décapités par un tueur mystérieux.

Hasan devrait craindre pour sa vie. À l’inverse, il devient obsédé par le fait de ne pas être pris pour cible.

Ce postulat sinistre est le point de départ d’une farce ahurissante, du portrait d’un homme-enfant ravagé par son ego. La politique est ici en filigrane, au même titre que le rock and roll. Pig promène son protagoniste au fil des nuits de Téhéran, avec le regard désinvolte que d’autres, Sorrentino en tête, ont su poser sur les artistes égarés dans des fêtes incessantes et dans le culte de la superficialité.

Film criminel et visionnaire, comédie fondamentalement noire, le long-métrage de Mani Haghighi fait figure d’œuvre proprement indéfinissable au sein d’une section crossover où l’inclassable est pourtant roi.