Un divan à Tunis

Le potentiel comique des confessions populaires

Golshifteh Farahani irradie dans ce petit théâtre tragi-comique à Tunis.

Manele Labidi, réalisatrice française (née à Paris) d’origine tunisienne, retrouve ses racines à travers l’épopée de Selma (radieuse Golshifteh Farahani), qui revient dans sa ville natale, Tunis, pour ouvrir son cabinet de psychanalyse après avoir exercé en France. Elle dépeint ainsi le contraste entre deux cultures. La psychanalyste désorientée de retrouver un pays en mutation se confronte aux barrières culturelles d’une communauté qui s’avère sceptique face à sa pratique. 

La première qualité du film est le choix de la comédie pour traiter de ce sujet sans trop de sérieux. La réalisatrice a compris tout le potentiel comique de ces situations d’incompréhension, et la dimension absurde d’une société qui refuse la main tendue d’un personnage apportant son aide. La comédie affleure dans chaque saynète de psychanalyse. La deuxième qualité est qu’à travers cette succession de consultations, le film dresse le portrait des habitants. La fiction flirte alors avec le documentaire. Chaque analyse est comme un entretien où le patient se confie. En aidant tout le monde, Selma capte le pouls d’une ville. Que ce soit un imam déprimé, un propriétaire de salon avec des problèmes relatifs à sa mère, ou un ex-paranoïaque, chaque portrait haut en couleur, dressé avec tendresse, est le révélateur des maux d’une société entière. 

Au-delà du contexte sociétal et de la comédie, le film révèle progressivement une troisième dimension, plus intime. Les problèmes des habitants sont aussi ceux de la propre famille de Selma. Elle découvre son oncle alcoolique, sa tante insatisfaite, son cousin rebelle… Le film finit par questionner de manière plus introspective la place de cette femme parmi les siens, étrangère dans sa propre maison. Paumée et désaxée, investie et tenace, amoureuse et solitaire, la psy révèle toute l’étendue du jeu de Golshifteh Farahani. Une chanson italienne hors du temps incarne sa sensualité comme sa désillusion par contraste, jusqu’à un plan final majestueux.