The Lighthouse

Le phare de l’angoisse

Quatre ans après la révélation The Witch, Robert Eggers, en maniériste maniaque, enferme Willem Dafoe et Robert Pattinson dans un superbe huis clos lovecraftien.

En deux films, Robert Eggers confirme qu’il est très à l’aise pour donner un nouvel éclairage à des histoires et à des genres qu’on pensait rebattus. The Witch, relecture réaliste et naturaliste des traditionnels récits gothiques, impressionnait déjà par sa rigueur et sa maîtrise. La tension et l’excitation montent d’un cran avec The Lighthouse, où le huis clos mâtiné de fantastique trouve de nouvelles lettres de noblesse. Son argument est d’une lumineuse simplicité : à la fin du XIXe siècle, en Nouvelle-Angleterre, le jeune Ephraim Winslow, souhaitant changer de vie, trouve un poste d’assistant de gardien de phare auprès de Thomas Wake, qui a passé une grande partie de sa vie à surveiller la mer. Alors que les deux hommes que tout oppose cohabitent difficilement, Ephraim découvre peu à peu l’étrangeté des lieux.

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Fétichiste et perfectionniste, Robert Eggers a tout mis en œuvre pour faire voyager son spectateur en 1890, notamment à travers des choix d’optiques et d’objectifs quasi contemporains, puisque datant du début du XXe siècle, et par des dialogues inspirés de textes d’Herman Melville et de Robert Louis Stevenson ainsi que par des carnets de marins. L’utilisation parcimonieuse des effets spéciaux pour créer une créature tentaculaire nichée en haut du phare contribue à l’atmosphère hautement lovecraftienne de cet affrontement psychologique. Comme chez le maître de Providence, l’art de la suggestion et l’attention rigoureuse aux détails créent une atmosphère où le quotidien glisse insidieusement vers le fantastique. Mais, au-delà de la culture évidente de Robert Eggers et de la somptueuse facture de The Lighthouse, le principal atout du film reste l’emploi que le cinéaste a fait de ses deux impressionnants comédiens. Illustrant à merveille l’opposition entre leurs personnages, le génial Willem Dafoe, considérablement grimé et nourri par des dialogues extrêmement travaillés, fait face à un toujours plus épatant Robert Pattinson, qui offre en contrepoint une composition tout en retenue.