Notre dame

La magicienne ose

Le cinquième long-métrage signé Valérie Donzelli confirme son regard bohème, tendre, singulier et sans fard sur le monde. Une croyance profonde et sincère dans le cinéma.

Valérie Donzelli est une fantaisiste. Elle aime la vitalité, l’humour, le burlesque, le décalage, les couleurs. Déjà dans La Reine des pommes, son premier long-métrage comme auteure-réalisatrice-interprète, elle creusait la banalité du quotidien pour en extraire un ton, une vision baroque et sans prétention. L’héroïne, qu’elle incarne encore une fois, est ici une femme qui a mûri, avancé, par rapport à celle des débuts de la cinéaste. La figure du double et de la dualité règne. Maud a deux enfants. Maud est prise entre ses deux ex. Le père de ses enfants est lui-même tiraillé entre elle et sa compagne officielle. Et le projet architectural de Maud est d’aménager le parvis devant les deux tours de Notre-Dame de Paris. Les hasards de la vie font que le monument a depuis le tournage été spectaculairement amputé…

Face au double, se pose la question du choix. Un positionnement qui fait tout le sel de la dynamique du film. Sans opter pour la comédie pétaradante, Donzelli et son scénariste Benjamin Charbit entremêlent avec audace des genres divers. La fable est là. Le fantastique également. La comédie musicale et la comédie romantique aussi. Sans règles définies, l’air souffle dans cette (re)construction artistique, et l’improbabilité fait partie de l’aventure. Le terrain de jeu est toujours ouvert à l’impossible puisque la fiction n’est pas la réalité. Donzelli croit dur comme fer au cinéma. Elle a créé ses personnages, tous truculents, en pensant à ses partenaires, et les associe avec un soin savoureux, de la tendresse désarçonnée (Thomas Scimeca, Bouli Lanners) à la dinguerie (impayable Claude Perron). Avec, toujours, une féminité résistante et libérée des injonctions sociétales.

Son goût pour le joyeux est un manifeste. Il monte encore d’un cran, à travers l’écriture, la mise en scène et le montage, qui jouent des ruptures de ton, de la cocasserie des situations, et de la rythmique des dialogues. Une vraie symphonie chorale, mais modeste, car la cinéaste ne se place jamais au-dessus de ses créatures, mais avec elles, à leurs côtés. Une démonstration par la bienveillance, aussi délirante soit-elle, dans la simplicité comme dans la sophistication. Simplicité du coup de crayon –  d’ailleurs patronyme de la protagoniste -, sur les caractères, avec tendance au costume unique comme souvent en bande dessinée. Et sophistication par l’élégance et la fluidité dans les mouvements des corps et dans l’agencement des séquences. Subtilité et folie douce. Un équilibre délicat.