Sous le ciel de Koutaïssi

Amour de l’amour

C’est une fable, un conte, une déclaration d’amour au cinéma et à la vie. Ce premier long-métrage géorgien primé à Berlin, Chicago et Angers nous fait croire au hasard et au coup de foudre.

Un livre tombe, un garçon rencontre une fille. À partir de là, tous les possibles du cinéma s’ouvrent à nous sur l’écran. Une histoire d’amour, bien sûr, mais aussi un film fantastique, un hommage à l’image, une rêverie sur le hasard… Sous le ciel de Koutaïssi, premier long-métrage du Géorgien Aleksandre Koberidze primé un peu partout, dont récemment au Festival Premiers Plans d’Angers, est un conte de fées d’aujourd’hui, qui musarde et lézarde. Évoquant les sortilèges les plus fous qui peuvent contrecarrer une rencontre, digressant au fil de l’eau, d’une rive à l’autre du Rioni, le fleuve qui traverse la ville, cet ovni de deux heures et trente et une minutes ménage de constantes surprises. 

Les brindilles et les gouttières complotent, la brise reprend le cours du récit, les chiens amateurs de football choisissent les cafés où se retransmettent les meilleurs matches. Les hommes et les femmes se croisent, se reconnaissent ou pas, se parlent ou se taisent. Et, au cœur même de l’histoire, le cinéma, en la personne d’une réalisatrice cherchant à filmer des couples, se fait Cupidon. Que nous dit Sous le ciel de Koutaïssi, sinon que la vie est immense et que la beauté est partout ? 

Sous le ciel de Koutaïssi d’Aleksandre Koberidze. Copyright Faraz Fesharaki/DFFB

Dans ce long poème filmé, le spectateur est tour à tour embarqué, émerveillé, ballotté. La caméra embrasse les paysages, scrute les visages, semble capter le moindre souffle d’air, l’agitation des foules, la tristesse des rendez-vous manqués, le silence qui n’est qu’apparence, le mouvement de l’univers. Il y a bien quelques longueurs, une chanson italienne de trop, des ralentis malvenus, mais la croyance dans la magie du cinéma est si évidente, la joie de filmer si entière, que le spectateur se laisse séduire. Il est dit dans ce film qu’il ne fait ni « avancer la société » ni « rien du tout ». Et, bien sûr, c’est totalement faux. Car le pouvoir des histoires, fussent-elles irréalistes (et même, a fortiori, si elles le sont), la force des images, la puissance de l’imagination, sont ce qui nous porte et nous hisse. Le regard d’Aleksandre Koberidze sur « une parmi mille aventures palpitantes qui ont lieu tous les jours dans ce monde » exalte la beauté des petits riens et le bonheur d’être vivant. Et c’est tout un art.