Il y a toujours quelque chose à voir…

34e Festival Premiers Plans d’Angers

Sept jours pour prendre des nouvelles de l’Europe à travers des premiers longs et courts et des films d’école. Une semaine pour croiser du monde et refaire le cinéma (à moins que ce ne soit le contraire), des salles pleines et beaucoup de partage. Premiers Plans a 34 ans et toujours « la jeunesse d’aimer »…

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Les sélections permettent de découvrir les réalisateurs de demain. Coup de cœur pour Sous le ciel de Koutaïssi du Géorgien Alexandre Koberidze (sortie le 23 février), conte de fée d’aujourd’hui sur le hasard, l’amour, les sortilèges, les chiens amateurs de football et le fil de l’eau. Une fable qui croit tellement dans le cinéma que, malgré quelques longueurs, le spectateur est embarqué par l’univers et la joie de filmer. Le jury présidé par Melvil Poupaud ne s’y est pas trompé, lui attribuant un Grand prix bien mérité. Mais Les Poings desserrés de Kira Kovalenko (sortie le 23 février) et Bruno Reidal de Vincent Le Port (sortie le 23 mars) sont tous deux distingués via leurs jeunes interprètes, respectivement Milana Aguzarova et Dimitri Doré, et c’est tant mieux !

Premiers Plans Angers. Lecture scénario. Photo : Isabelle Danel.

Un scénario prend vie

 

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Jusque tard le soir, le cinéma bruisse dans les conversations, de sorties de salles en bars bondés. Et ça commence dès le petit déjeuner, où, attablé devant deux magnifiques portraits géants en noir et blanc de Fanny Ardant et Nathalie Baye, on croise la productrice et distributrice Michèle Halberstadt, qui non seulement accompagnait deux films – Les Poings desserrés et Moneyboys de C.B. Yi (sortie le 16 mars) – , mais s’apprêtait à rencontrer et prodiguer conseils à cinq futurs réalisateurs dans le cadre des Ateliers d’Angers. Plaisir aussi de croiser Samuel Theis, prenant le temps de laisser refroidir ses œufs au bacon pour évoquer l’accueil de son deuxième long-métrage (mais premier en solo) Petite Nature (sortie le 9 mars) et l’intéressante expérience de la lecture publique d’un scénario. Proche de Lucas Gloppe et de la productrice Elizabeth Pérez, Samuel Theis a en effet accepté de lire, en compagnie des épatants Andranic Manet et Marie Colomb, Faire feu, projet de long-métrage bientôt en production, qui mêle militantisme et amour fou à l’époque des manifestations contre la loi travail en France. « C’est un exercice intéressant, propre au Festival d’Angers ; un scénario n’est pas fait pour être lu à voix haute et pourtant, ça marche. Il faut trouver un rythme, des sons, une façon de faire exister le texte, les personnages, l’histoire. » La présence joyeuse des trois acteurs et l’écriture prometteuse ont provoqué une écoute attentive, des applaudissements nourris et, au bout du compte, deux prix (du jury et du public) pour ce film en devenir.

 

Melvil Poupaud, l’enfance de l’art

 

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Lors de sa rencontre avec le public, le président Melvil Poupaud est arrivé avec son café (tasse en porcelaine et sous-tasse comprise) pour entamer une conversation menée par Claude-Éric Poiroux, délégué général et directeur artistique du festival. De sa belle voix grave et posée, il a évoqué ses débuts d’enfant assassin chez Raoul Ruiz, la rencontre avec Éric Rohmer, ses gâteaux secs, ses lubies musicales et ses mouettes, l’expérience de La Fille de 15 ans sous la direction de Jacques Doillon, éternel insatisfait qui multipliait les prises, ou sa passion pour le rôle de Laurence Anyways de Xavier Dolan, qui ne lui avait pas été proposé en premier lieu. C’était simple, beau et généreux. Et souvent drôle…

Écoutez Melvil Poupaud évoquer Raoul Ruiz sur la scène du Grand Auditorium du Centre des Congrès d’Angers.

 

Le drapeau de la culture

 

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Après la séance du premier long-métrage bulgare, Women Do Cry (sortie le 9 mars), les deux réalisatrices Mina Mileva et Vesela Kazakova, heureuses et épatées de la présence d’un public nombreux, se sont mises à filmer l’assemblée durant la rencontre qui s’ensuivit. On y apprit que ce film, qui parle de deux fratries et deux générations de femmes, de leur quotidien et de la violence à laquelle elles sont soumises, est interdit dans leur pays. Et qu’elles portent désormais avec fierté le sobriquet de « duo démoniaque », dont les a affublées un homme politique bulgare, contrefaisant par ce jeu de mots le surnom que la presse américaine leur avait précédemment donné : « duo dynamique ». « Vous, la France, vous portez très haut le drapeau de la culture », ont-elles lancé, se félicitant aussi de faire partie de l’Europe.

 

Duo gagnant

 

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Alors qu’elles recevaient, lors de la cérémonie de clôture, le double Prix d’interprétation pour le très beau court-métrage d’Adrian Moyse Dullin (par ailleurs Prix du jury et du public), Haut les cœurs, les comédiennes Aya Halal et Ramatoulaye Ndongo ont conquis la salle en deux temps trois mouvements par leur joie, leur répartie, et leur amitié non feinte dans la vie. En quinze minutes, Haut les cœurs raconte dans l’espace contraint d’un autobus, comment de très jeunes gens sont soumis à la pression du groupe, et n’osent pas forcément dire ou montrer leurs sentiments. C’est une des nombreuses belles surprises, qui étaient à découvrir dans une moisson impressionnante de courts français et européens et de films d’école.

 

Pourquoi il est parti, l’écureuil ?

 

Il se passe toujours quelque chose au Festival Premiers Plans d’Angers. Puisqu’il s’agit aussi de préparer les spectateurs de demain, une section Chenaplans propose des programmes courts d’animation pour les tout-petits. Ce dimanche matin, dans la salle du cinéma Les 400 Coups, juchés sur des rehausseurs rouges ou blottis contre leurs parents, une quarantaine d’enfants à partir de trois ans ont assisté pour la plupart à la première séance de cinéma de leur vie. Ils devaient même voter pour leur court-métrage préféré sur les sept présentés (il fallait pour cela entourer au feutre de couleur l’image du film qu’ils avaient aimé). De ce public, assez sage dans l’ensemble, émanaient quelques commentaires rigolos ou frappés au coin du bon sens. Il y eut même un mini-débat à la fin avec Salomé Hammann, réalisatrice de Bricolage, dans la collection En sortant de l’école, anthologie consacrée (cette année) aux poèmes d’Andrée Chedid (France 3). Face à ce film délicat racontant la naissance d’un bébé via l’image d’une couverture en patchwork, une toute petite fille blonde demanda si le bébé était sorti de la maman ou de la couverture. Personnellement, elle optait fortement pour la seconde solution. Ils ont tous voté, mais à l’heure où j’écris ces lignes, j’ignore pour quel court-métrage… Et puis une question, taraudant mon petit voisin de rang, est restée sans réponse : « Pourquoi il est parti, l’écureuil ? » À Angers, la relève est assurée.

Sous le ciel de Koutaïssi d’Alexandre Koberidze. Copyright Faraz Fesharaki/DFFB.

Palmarès Premiers Plans 2022

 

Longs-métrages européens

Jury Longs-métrages : Melvil Poupaud (Président), Fanny Burdino, Manele Labidi, Daphné Patakia, Antoine Barraud.

Jury Diagonales : Anaïs Volpé (Présidente), Estelle Robin-You, Virgil Vernier

  • Grand prix du jury

Sous le ciel de Koutaïssi d’Alexandre Koberidze (Allemagne/Géorgie)

  • Prix Mademoiselle Ladubay (Prix d’interprétation féminine)

Milana Agouzarova dans Les Poings desserrés de Kira Kovalenko (Russie)

  • Prix Jean Carmet (Prix d’interprétation masculine)

Dimitri Doré dans Bruno Reidal de Vincent Le Port (France)

  • Prix du public (Prix Jeanne Moreau)

Ninjababy d’Yngvild Sve Flikke (Norvège)

  • Grand prix du jury Diagonales

Soy Libre de Laure Portier (France)

Mention spéciale du jury

Imaculat de Monica Stan et George Chiper-Lillemark (Roumanie)

 

Courts-métrages européens et français

Jury Courts-métrages et films d’école : Chloé Mazlo (Présidente), Audrey Ismaël, Maxime Roy

  • Grand prix du jury – Courts-métrages européens

O que resta de Daniel Soares (Portugal)

  • Grand prix du jury – Courts-métrages français / Prix du public

Haut les cœurs d’Adrian Moyse Dullin

  • Mention spéciale du jury – Courts-métrages français

Lèv la tèt Dann Fénwar d’Érika Étangsalé

  • Prix d’interprétation féminine – Courts-métrages français

Ramatoulaye Ndongo et Aya Halal dans Haut les cœurs d’Adrian Moyse Dullin 

  • Prix d’interprétation masculine – Courts-métrages français

Lucien Arnaud dans Caillou de Mathilde Poymiro

 

Films d’école

  • Grand prix du jury

Love Is Just A Death Away de Bára Anna Stejskalová (République Tchèque)

  • Mention spéciale du jury

Appels sortants d’Ines Fabry Garcia (France)

  • Prix du public

Doosra de Keerthigan Sivakumar (Suisse)