Les Petites Victoires

« Des seigneurs et des princesses »

Mélanie Auffret (Roxane) transforme un village breton en théâtre de l’entraide, et signe une comédie sans grande mise en scène, mais gorgée de tendresse, qui fut récompensée par les prix du jury et du public au dernier Festival de l’Alpe d’Huez.

 

C’est la deuxième comédie sociale française récente qui se clôt par la délicate chanson de Bourvil, La Tendresse. Comme Julien Rambaldi dans Les Femmes du square, Mélanie Auffret s’empare, elle aussi, d’un double sujet sociétal – la désertification des campagnes et l’illettrisme –, place une femme courageuse au cœur de son dispositif et compose autour d’elle une galerie de personnages qu’elle regarde avec bienveillance. Soit ici Alice (la ravissante et toujours juste Julia Piaton), institutrice et maire de Kerguen, qui accueille dans sa classe Émile (le généreux Michel Blanc), un villageois illettré dont le quotidien devient ingérable depuis la mort de son frère. Autour d’eux, des femmes et des hommes qui tentent de préserver le lien social dans leur contrée, où les lieux d’interactions se font rares.

On regrette que cette comédie pensée pour le grand écran ait opté pour une réalisation télévisuelle, qui lui confère des atours formatés et en limite la portée (le traitement de l’horizon, dont parle John Ford (David Lynch) à la fin de The Fabelmans, est ici un peu trop au milieu), mais on retiendra surtout la charge affective dont sont nourris les personnages, l’humanité qu’apportent ses principaux comédiens, et les regards irradiants d’intelligence de Michel Blanc.

Si la première partie du film peine à trouver son rythme, la deuxième, en revanche, donne à sentir une liesse, une circulation de l’énergie dans les scènes, fait ainsi naître une chaleur et restitue la puissance d’engagement de la maire de ce village, qui fait écho à celles et ceux qui se démènent pour que vivent ces communes en souffrance. « Des seigneurs et des princesses / Y en a plus beaucoup », dit Bourvil dans sa chanson. Les Petites Victoires nous suggère de ne pas les oublier.

 

Anne-Claire Cieutat