La Forêt de mon père

À la lisière

Tout l’amour du monde ne suffit pas toujours à réparer les fêlures… Un beau premier film sur la folie d’un père, vue à travers les yeux d’une adolescente. Et la révélation d’une jeune actrice, Léonie Souchaud, fracassante…

Jimmy est le maître d’un royaume infini, qu’il partage avec sa famille : la nature est son fief, il parle aux arbres, au vent et aux oiseaux. Il raconte à leur propos des histoires magiques et saugrenues, que ses deux filles et son fils écoutent religieusement. Sans travail, il gère la maisonnée, cuisine de délicieuses pâtes et aime passionnément sa femme, Carole, et leurs trois enfants, Gina, Tony et Nora. Ils vivent en bordure de forêt, dans un immeuble où les autres habitants, parfois, les invectivent et les pointent du doigt.
Différents ? Sans doute. Bohèmes et sympathiques, foutraques et inconséquents. Des doux dingues, dirait-on. Mais peu à peu, ce bel équilibre semble prêt à se rompre. Carole est fatiguée des histoires de Jimmy, et quand il oublie les enfants en pleine nuit dans les bois, jette le téléviseur par la fenêtre et commence à tenir des propos incohérents, elle doit prendre des décisions. Aussi douloureuses que nécessaires. Et totalement incompréhensibles pour Gina.

La forêt de mon père de Vero Cratzborn - KMBO

Constamment vue à hauteur de l’adolescente de quinze ans, cette histoire est écrite avec une grande justesse et filmée avec ce qu’il faut de mystère. Pour maintenir sans cesse l’ambiguïté entre les charmantes lubies et une folie plus dangereuse. Pour nous entraîner sans jugement, mais en toute conscience dans la réalité de ce qu’une psychologie borderline peut générer de heurts, bonheurs et malheurs. Dans le rôle des parents, Ludivine Sagnier, bouleversante en amoureuse brisée, fait face à Alban Lenoir, versatile et désarmant comme un grand gosse. La jeune Léonie Souchaud est une pure révélation, traduisant magnifiquement le mélange d’enfance et de sens des responsabilités que l’aînée de la famille s’est imposé au fil des ans.
C’est un film de frontières, de bordures et de lisières. Partagé entre la ville et la campagne, le jour et la nuit, la folie et la sagesse, le film relate aussi le passage pour Gina de l’adolescence à l’âge adulte. Les décors reflètent bien ces transitions, réelles ou imaginaires : forêt, d’où l’on aperçoit le balcon de leur appartement (et réciproquement), terril dans le soleil couchant, rond-point et son ballet de voitures vrombissantes, toit d’immeuble, d’où s’envolent les oiseaux. Et les illusions.