La Croisade de Louis Garrel

De la drôlerie et de l’épique pour le climat

Louis Garrel propose une représentation du combat écologique à hauteur d’enfant, avec émerveillement, cocasserie, et soif d’aventure.  
 

Louis Garrel s’empare pour sa troisième réalisation d’un scénario de Jean-Claude Carrière (le dernier qu’il a achevé avant sa mort) sur l’histoire d’un garçon, Joseph, qui entreprend dans le dos de ses parents (Laetitia Casta et Louis Garrel) de sauver la planète, connecté pour cela avec d’autres enfants à travers le monde. Ils projettent de créer un réseau de rivières et de lacs au milieu du désert du Sahara. Lorsque ce projet est dévoilé, les adultes tombent des nues. Le fils souhaite un soutien et une prise de conscience de la part de ses parents, tandis que ces derniers ne voient en lui qu’une folie immature.

La Croisade de Louis Garrel - Copyright Why Not Productions

Le réalisateur adopte alors dans un premier temps le ton léger de la comédie. Le chaos familial provoqué par l’annonce de l’enfant engendre du burlesque et de l’absurde. Il traite ainsi d’un sujet majeur avec dérision. Il aborde la question écologique, le conflit de générations et le questionnement des idéaux avec la même énergie ludique. Il s’amuse et nous amuse en scrutant avec sa caméra la moindre réaction des personnages face à cette situation avec une mise en scène fluide et virevoltante. Les scènes en appartement sont à cet effet transcendées par une forme volontairement exagérée. Il y a un contraste entre le Garrel acteur, qui se donne le rôle d’un idiot ne comprenant pas l’urgence climatique, et le Garrel cinéaste, qui met en scène avec flamboyance le récit. Il ne se prend pas au sérieux, mais prend au sérieux la démarche des enfants.

La Croisade de Louis Garrel - Copyright Why Not Productions

Puis le film bascule dans l’imagerie apocalyptique. Le cinéaste est habile dans le mélange des tons. Il convoque des signes d’effondrement pour représenter une angoisse, une réalité qui nous rattrape, et faire des enfants les premiers lanceurs d’alerte. Greta Thumberg apparaît d’ailleurs dans le film, et sont introduites des images du confinement lié au COVID-19 enregistrées avec un téléphone portable dans les rues désertes de Paris​. La comédie se mêle à la dureté du réel. Et ce qui pouvait n’être qu’un jeu d’enfant, une sorte de farce, devient une aventure épique. Le film se dirige alors vers le merveilleux. Les enfants deviennent des super-héros par leur capacité d’influer sur l’avenir. Loin des discours de tribune, à contre-sens de l’idée d’une écologie moribonde, Garrel en propose une représentation féerique, qui fait rêver, jusqu’à un plan final de mirage digne d’un film d’aventures. 
 
Enfin, l’émotion emporte tout lorsque des enjeux plus intimes parviennent à exister. La famille tout entière est mise à l’épreuve, le couple se déchire, mais l’amour recolle les morceaux, pacifie les enjeux. Il est question d’amours multiples, conjugal, filial, romantique. Tandis que la mère aide son enfant à mettre son projet en pratique et décide de poursuivre seule le combat, le petit Joseph éprouve des sentiments pour une amie du même âge. Louis Garrel nous rappelle avec sensibilité (mais sans sensiblerie) ce qui motive l’existence, et pourquoi se battre pour la planète vaut le coup. 

Benoit Basirico