L'Innocent

Comédie oedipienne

Jubilatoire, le quatrième long-métrage de Louis Garrel (Les Deux Amis, L’Homme fidèle, La Croisade) était présenté hors compétition à Cannes et en séance spéciale du 75e anniversaire du festival.

On se souvient du premier long-métrage vif et vivant de Louis Garrel, Les Deux Amis, dans lequel son personnage, prénommé Abel, comme tous ceux qu’il incarne dans ses propres films, et son comparse se lançaient à la conquête d’une jeune femme tout juste sortie de prison. Dans L’Innocent, la conquête opère entre ces murs clos : Sylvie, la mère d’Abel (formidable Anouk Grinberg) donne des cours d’art dramatique aux détenus et tombe amoureuse de Michel (Roschdy Zem, aussi inquiétant que séduisant), qui achève sa peine de cinq ans ferme pour recel. Pour Abel, c’est le coup de foudre de trop : pour la troisième fois en dix ans, sa mère s’est éprise d’un prisonnier et entend ici l’épouser. Un lien puissant lie cette mère très sentimentale à son fils, qui a perdu sa femme (plus d’épouse, pas de père, nul tiers entre eux, donc). Et tout au long de ce récit, qui oscille habilement entre le thriller, le film de casse, la romcom et la comédie, cet oedipe manifestement non résolu engendrera des schémas de reproduction inconscients, dont Louis Garrel s’amuse follement.

Car, du scénario parfaitement huilé, coécrit avec Tanguy Viel, avec la collaboration de Naïla Guiguet, à la mise en scène souvent inventive, en passant par les dialogues hilarants et le jeu épatant de chaque comédien (répétons qu’Anouk Grinberg est géniale et qu’on voudrait la voir souvent au cinéma, mais aussi que Noémie Merlant a un talent fou et excelle dans le jeu au premier degré), tout ici respire le plaisir de faire du cinéma, la joie de jouer*, et compose un bel hommage à une mère aimée très fort.

 

*Comme dans Les Pires de Lise Akoka et Romane Gueret et Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, également présentés à Cannes, l’exercice est cathartique.