L’État du Texas contre Melissa

Dead Woman Walking

Documentaire en forme d’enquête sur une femme dans le couloir de la mort, Melissa Lucio, accusée d’infanticide. Une plongée vertigineuse dans les arcanes de la justice américaine. Où deux poids font deux mesures.

Alors qu’on salue en France la loi sur l’abolition de la peine de mort, votée il y a quarante ans, le 18 septembre 1981, la documentariste franco-américaine Sabrina Van Tassel vient nous rappeler que la peine de mort s’applique encore dans le monde. Et notamment dans vingt-quatre États d’Amérique, dont le Texas. Melissa Lucio, accusée d’infanticide sur sa fillette de deux ans, Mariah, est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Elle attend depuis 2008 dans le couloir de la mort. La réalisatrice l’a rencontrée en 2017 lors d’une enquête sur les femmes en attente de leur exécution dans les prisons américaines.

L’ouverture de L’État du Texas contre Melissa est très déstabilisante pour le spectateur. Elle montre les cinq dernières minutes de l’enregistrement de l’interrogatoire de Melissa Lucio par un policier où, à sa demande, la mère de famille mime sur une poupée les coups portés sur son propre enfant. Ce métrage accablant, montré au procès, est la conclusion de sept heures de questions incessantes… Le film se livre ensuite à une enquête minutieuse sur cette « coupable idéale », interroge Melissa, ses enfants, les proches et des spécialistes. Il révèle une réalité sociale d’Harlingen, coin paumé du Texas (misère, drogue), et met au jour dans le dossier un certain nombre d’incohérences, d’oublis, d’omissions, de témoignages. Et de certitudes trop vite acquises quant au milieu, au contexte, à la couleur de peau.

Même si on est étonné par le choix, dans le montage, des révélations tardives, notamment de corruption du procureur en charge à l’époque du procès, l’ensemble reste très tenu. Et, sans se substituer à la justice américaine — ce qui est, clairement, impossible —, le film offre un point de vue fouillé et suffisamment troublant pour que des questions se posent. Reste une « Dead woman walking / une femme morte en marche », dont le procès n’a toujours pas été révisé à ce jour.

Isabelle Danel