Entre deux rives

Le mal des frontières

On croyait Kim Ki-Duk disparu, mais il est toujours là. Le voici centré sur l’opposition des deux Corées. Un sujet fort, traité avec finesse.

Parti pour nourrir sa femme et son adorable petite fille, un pauvre pêcheur de la Corée du Nord tombe en panne avec son modeste bateau, puis dérive vers les eaux sud-coréennes. Il est vite arrêté par la police qui l’accuse d’espionnage. Nam Chul-woo va devoir lutter pour prouver son innocence… Cela faisait longtemps que le spectateur français n’avait pas de nouvelles du cinéaste sud-coréen Kim Ki-Duk, lui qui, pourtant, n’a pas faibli dans sa cadence à tourner. Faut-il y voir une baisse de l’engouement des distributeurs pour l’auteur du très beau Locataires (2004) ? Entre deux rives apparaît d’emblée sous l’angle d’une mise en scène assez conventionnelle et du fait de la succession des interrogatoires et tortures éprouvés par Nam Chul-woo, il n’est pas sans évoquer L’Aveu de Costa-Gavras. Transposé ici dans le contexte d’une autre guerre froide, celle toujours efficiente entre les deux Corées, le film se singularise graduellement, en premier lieu parce qu’il inverse les rapports de forces habituels avec une critique se focalisant surtout sur la paranoïa des Coréens du Nord, pourtant modernes, mais qui se noient dans les violences qu’ils dénoncent eux-mêmes. La prestation brillante de Ryoo Seestung-Bum, en honnête homme, simple, vif et paumé, prend d’autant plus d’ampleur lorsqu’un jeune policier (le très doux Lee Won-geun), empli de compassion pour lui, s’oppose vaille que vaille à son mauvais traitement. Avec le portrait de cette relation délicate et dans l’éclat final du film d’une grande probité, le spectateur retrouve toute l’intelligence et la finesse de Kim Ki-Duk.