Après un film en costumes et un film choral, Emmanuel Mouret revient à une intrigue plus resserrée. Une histoire d’adultère qui fonctionne trop bien pour durer, portée par une mise en scène inventive, en dialogue permanent avec les acteurs.
Vincent Macaigne avait fait son entrée dans l’univers d’Emmanuel Mouret avec son film précédent, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait. Parmi toute une galerie de personnage, il jouait François, qui avait quitté sa femme pour une autre. Dans Chronique d’une liaison passagère, il incarne désormais Simon, marié, mais vivant pleinement sa relation extra-conjugale. Il semble y avoir comme un passage de relais avec Emmanuel Mouret acteur, qu’on avait l’habitude de voir jusqu’à Caprice. Empruntant à Jean-Pierre Léaud autant qu’à Woody Allen, Mouret avait composé un personnage d’amoureux tourmenté, empreint d’une douceur maladroite. Un rôle faisant écho à plusieurs films avec Vincent Macaigne, qui se glisse avec aisance dans ce personnage. Avec humour, il verbalise ses petits arrangements avec sa conscience, pour que l’adultère n’en soit plus vraiment un à ses yeux.
À ses côtés, Sandrine Kiberlain apparaît dans le cinéma de Mouret et compose avec fraîcheur Charlotte, l’amante rayonnante et spontanée. Loin des multiples questionnements de son compagnon, elle n’est là que pour le plaisir qu’offre cette parenthèse dans sa vie de mère célibataire. Quand il doute, elle avance, apportant une énergie qui équilibre le duo et donne le rythme de cette relation. Chronique d’une liaison passagère met en lumière leur couple, qui est de toutes les scènes. Le spectateur est ainsi convié à leurs échanges : est-ce que tout peut être si simple ? Il s’implique, se questionne et se projette, tout en suivant l’évolution de cette liaison, dont la fin est annoncée dans le titre. Pour ne rien arranger, Louise fait son apparition (interprétée par la délicate Georgia Scalliet, trop rarement vue au cinéma jusqu’ici). Ce troisième personnage, discret, mais assuré dans ses désirs, surprend le couple, en invitant chacun à réfléchir sur la véritable nature de ses sentiments.
De par l’attention portée aux comédiens et sa maîtrise littéraire indéniable, Emmanuel Mouret propose un marivaudage réussi, dans la continuité de son cinéma. Toutefois, l’attention portée à la réalisation semble grandir de film en film, en proposant des idées dans presque chaque séquence. La mise en scène s’attache à rendre les dialogues vivants, rythmés, en jouant avec les personnages. En ville, dans les appartements parisiens, la caméra s’amuse des décors et des comédiens. Lors de plusieurs plans-séquences, on suit les acteurs, qui apparaissent et disparaissent du champ. On les perd au détour d’un couloir pour les retrouver parfaitement placés dans l’encadrement d’une porte. La composition des plans est toujours riche et parfaitement construite. Au contraire, dans des scènes en pleine nature, Vincent Macaigne et Sandrine Kiberlain paraissent beaucoup plus libres, comme si le lieu leur permettait de s’ouvrir, de voir plus loin, de se retrouver. Emmanuel Mouret et son chef-opérateur, Laurent Desmet, jouent aussi avec les lumières. Certaines scènes sont éclairées de manière que les personnages ne soient plus que des ombres. On oublie les acteurs pour ne voir plus qu’un homme et une femme parler d’amour dans un spectacle total.
Léo Ortuno
Le système minuté
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.