Caprice

Au coeur d'une image

C’est l’une des plus belles scènes de Caprice d’Emmanuel Mouret. Elle place le personnage-titre (Anaïs Demoustier), apprentie comédienne, au sein d’un dispositif lumineux sophistiqué, sur la scène d’un théâtre amateur en banlieue parisienne. La jeune fille y incarne une amoureuse dans une pièce de science-fiction. Dans la salle, Clément, l’instituteur (Emmanuel Mouret) est sous le charme de ce joli texte prononcé avec délicatesse. Plongée au cœur d’un plan, aux côtés du chef-opérateur du film, Laurent Desmet, grand complice d’Emmanuel Mouret depuis Changement d’adresse en 2006.


Au coeur d'une image de Caprice - scène de théâtre science fiction

LE COSTUME

« Le costume de performance a été choisi noir, de manière à augmenter l’effet d’ombre chinoise en début de plan, lorsque Caprice s’avance vers le spectateur (comme celui du voleur dans La Main au Collet d’Alfred Hitchcock). »


LE MAQUILLAGE

« Le maquillage a été conçu (par notre maquilleuse Sarah Beaupoux) de manière à rendre le visage de Caprice monochromatique, c’est-à-dire sinon en gommant, du moins en diminuant les différentes teintes de couleur des différentes parties du visage (pommettes, lèvres , sourcils…) pour aller dans le sens d’un rendu plus irréel, étant donné le saut dans le temps qu’est censée mettre en scène la pièce. »


L’ÉCLAIRAGE DU VISAGE

« Le visage de Caprice n’est éclairé que par un seul projecteur, à savoir une boule chinoise de 60 cm, telle qu’on peut en trouver chez Habitat, avec une lampe du commerce au tungstène dépolie de 40w, cette combinaison a l’avantage de fournir une lumière douce sur le visage de l’actrice. »


LE FOND DE SCÈNE

« Le gros du travail a été celui sur le fond de scène. Emmanuel Mouret tenait beaucoup au côté science-fiction / saut dans le temps dès l’écriture du texte, et par contraste en rapport avec le théâtre à l’italienne du personnage incarné par Virginie Efira. Devant ma perplexité, j’avais peur d’un côté science-fiction très au rabais, il m’a donné comme grain à moudre le travail de Nicolas Schöffer notamment son œuvre Lumino, qu’il réalisa pour et avec l’aide de Philips. C’était une première piste, même si c’était complètement inadaptable. Sans parler des problèmes de droits, l’écran qui matérialise l’œuvre est assez petit. Nous sommes ensuite partis sur un effet de reflet de lumière sur une surface aquatique. Mais les moyens en temps et en espace m’ont obligé à trouver encore autre chose. Puis je me suis souvenu d’un plan tourné par hasard (mais non monté) du film Le Grand Homme de Sarah Leonor, des reflets dans l’eau, mais flous car le point demeurait sur le personnage au premier plan. La tache de lumière prend ainsi la forme du diaphragme de l’objectif, ce que l’on appelle un effet de bokeh (du japonais : flou). Un peu comme le plan de Clément à la fin du film, lorsque son personnage évoque Caprice en voix-off devant une étendue d’eau (l’effet étant d’ailleurs réutilisé ici comme une mise en abyme finale). J’ai donc pensé à la reproductibilité d’un tel phénomène, ce qui m’amena à la solution suivante : un rideau situé à une petite dizaine de mètres derrière l’actrice, sur lequel sont cousus des petits disques miroirs (trouvés par notre décorateur David Faivre) réfléchissant la lumière de différents projecteurs, chacun coloré de manière différente. Il suffit enfin de faire onduler lentement à la main le rideau et de faire varier l’intensité des projecteurs par un jeu d’orgue pour que les couleurs se succèdent. La mise au point de notre objectif 135mm est nécessairement fixe, au risque de faire changer la taille des cercles lumineux. Ce qui nous amène à un comble, celui d’une mise en scène de théâtre impossible, puisqu’il s’agit d’un effet d’optique qui ne peut être obtenu sans caméra ! Un gag au second degré ! Un pari risqué aux yeux du producteur, car nous n’avions pas les moyens d’essayer la solution avant le tournage de la scène, mais payant, semble t-il… »