Les Amours d’Anaïs

Tout feu tout flamme

Charline Bourgeois-Tacquet débarque dans la cour du long-métrage avec un portrait romanesque mitonné aux petits oignons. Une ode glorieuse au féminin.

 

Anaïs court, Anaïs vibre, Anaïs aime. Anaïs, c’est Anaïs Demoustier dans ce premier long-métrage rafraîchissant, séance spéciale du 60e anniversaire de la Semaine de la Critique. L’actrice retrouve Charline Bourgeois-Tacquet, sa réalisatrice du court Pauline asservie, déjà présenté dans la section parallèle cannoise en 2018. La même énergie coule dans les veines du personnage central et du film dans son entier. Une vivacité qui pousse la protagoniste à bouger les autres pour mieux se trouver, en insufflant le rythme aux situations, aux échanges, aux enjeux. Brio d’écriture de la cinéaste, qui passe de la comédie virevoltante de dialogues et de précipitations parisiennes, à une échappée bretonne, ensoleillée, sensuelle, jusqu’à un profond coup de foudre amoureux. Un passionnant glissement se fait sur l’objet du désir, inattendu et joyeux. Malicieuse trouvaille de faire craquer son héroïne pour la femme de son amant, via un portrait photo de dos, avec une nuque, une chevelure, une promesse de visage. Et puis un fin tricotage de cache-cache, de poursuite, de cabinet secret, et de séduction en musique sur le tube planétaire de Kim Carnes.

Les Amours d’Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet. Copyright Haut et Court.

L’audace donne la main à l’évidence, et la sensualité à l’amour des lettres. Il y a un bonheur aventureux dans le parcours de cette jeune femme et dans sa vigoureuse détermination. Anaïs est une digne descendante des héroïnes tornades des facéties de Jean-Paul Rappeneau et Philippe de Broca. Un lien cinématographique avec le passé, mais les pieds bien ancrés dans notre époque, grâce à une sexualité assumée et décomplexée. Charline Bourgeois-Tacquet parle d’un monde où le désir est libre. Affranchie des diktats et des codes genrés, cette fantaisie pétille par son appétit de vie. Par sa croyance dans l’attachement aux mots, qui relient les êtres, d’une conversation ubuesque avec une propriétaire d’appartement, à un face-à-face de rupture à la franchise romanesque bouleversante. Valeria Bruni Tedeschi rayonne de maturité épanouie face à Anaïs Demoustier, qui trouve ici un personnage de rêve, pour passer de l’abattage au charme irrésistible, de l’impayable tchatcheuse à l’amoureuse éperdue.

 

Olivier Pélisson