Adieu les cons

Rien à perdre

Albert Dupontel joue à Bonnie & Clyde dans cette odyssée tendre et caustique, désespérée et drôle. À la vie, à la mort !

Suze Trappet, belle blonde de 43 ans, était coiffeuse et la laque et autres produits nocifs lui ont grignoté la santé. Il lui reste très peu de temps à vivre. J-B Cuchez, informaticien quinquagénaire, pensait décrocher une promotion, et au lieu de ça, il est remplacé par un plus jeune. Il décide donc d’en finir. La rencontre de ces deux-là se fait dans les méandres de l’administration, alors que le coup de fusil qu’il a tiré pour s’ôter la vie a atteint le bureau du fonctionnaire auquel Suze demandait de retrouver la trace de son enfant abandonné sous X lorsqu’elle avait 15 ans. J-B va aider Suze à localiser son dossier non informatisé, puis son fils devenu grand. Ils seront épaulés par un archiviste aveugle plein de bonne volonté et de certitudes. Et poursuivis par toutes les polices de France.

Adieu les cons d’Albert Dupontel. Copyright Jérôme Prébois – ADCB Films.

Adieu les cons est un drame gai, une tragédie burlesque, un drôle de film grave, qui embarque deux anonymes dont tout le monde écorche le nom de famille, car ils ne sont personne, dans une cavale entre désespoir noir et tendresse rose bonbon. Il est autant question d’injustice que d’amour dans ce septième long-métrage signé Albert Dupontel. À bien des égards, ce dernier film rappelle le premier, Bernie (1996), où un orphelin trentenaire et demeuré recherchait ses parents à coups de pelle dans la gueule et finissait avec une jeune femme, brune cette fois, sous les balles des policiers.

Chez Dupontel, même s’il semble s’adoucir, le mélange des genres est toujours explosif, en beaucoup moins trash ici – car le désenchantement le dispute au romantisme et c’est ça qui est beau –, en beaucoup plus maîtrisé aussi. Le film va vite, à l’aune de ses personnages qui courent sans cesse. Mais il s’offre aussi des moments suspendus, comme cette belle scène où l’aveugle décrit à Suze les rues qu’ils traversent, tandis que la caméra nous montre une tout autre réalité. Il y a des onomatopées et des accélérations à la Tex Avery et des gags et cadrages façon BD, il y a du Terry Gilliam (les archives et certains noms propres, dont Tuttle, font référence à Brazil), et du Chaplin pour l’émotion brute qui vous submerge devant deux jeunes amoureux qui osent enfin s’approcher, ou deux vieux amants, dont l’un a perdu la mémoire, se retrouvant comme au premier jour.  Et il y a du Dupontel de A à  Z, du scénario à la mise en images et en sons : cet oxymore sur pattes, méchant gentil, désabusé plein d’espoir, qui raconte (presque) toujours la même histoire : avec des outsiders, des policiers, des enfants volés ou abandonnés ou malmenés ou non désirés. Face à Virginie Efira, touchante et désarmée, on le retrouve tel qu’en lui-même derrière le personnage de J-B, entre naïveté inaltérable et conscience claire d’un monde injuste et laid, où le travail ne paie pas, où les petites maternités deviennent des ronds-points moches et où les spirales sont forcément infernales. Adieu les cons, bonjour tendresse…