Ad Astra

Si loin, si proche

Des années ont passé depuis que Clifford McBride et son équipe ont disparu aux confins du système solaire. Mais un jour, alors que de puissantes perturbations électromagnétiques d’origine inconnue se font ressentir dans l’espace proche, la mission de Clifford McBride envoie un signal. Entre odyssée spatiale à grand spectacle et drame intime, James Gray réussit, à nouveau, à nous surprendre.

Deux ans après The Lost City of Z, James Gray nous propose un nouveau voyage vers l’inconnu. Bien sûr, pas d’empire britannique ou de cité amazonienne dans Ad Astra. Après le portrait – en creux – d’un monde qui s’effondre pour qu’en naisse en nouveau au début du XXe siècle, James Gray nous emmène dans un futur proche, peut-être 200 ans après The Lost City of Z, où ce nouveau monde est maintenant bien installé, au-delà même des frontières terrestres. Dans cette science-fiction, la lune est, comme tous les aéroports du monde, un gigantesque centre commercial ; Mars, une vaste base militaire, et les autres planètes en voie de colonisation, qu’elles soient dans le système solaire ou au-delà. « Au-delà de l’infini », pour reprendre la fameuse phrase de 2001, l’Odyssée de l’espace, appel un peu angoissant au voyage éternel, qui pourrait être le mot d’ordre de Clifford McBride (Tommy Lee Jones), astronaute vétéran qui n’a toujours rêvé que des étoiles. Clifford McBride ressemble beaucoup à Percy Fawcett, le héros de The Lost City of Z. Tous deux sont obsédés par l’inconnu, ne vivent que pour découvrir d’autres civilisations, qu’elles soient aborigènes ou extraterrestres. Tous deux sacrifient leur famille à la découverte. Si Nina Fawcett, la femme de Percy Fawcett, qui passa sa vie à l’attendre, était la véritable héroïne de The Lost City of Z, le personnage principal d’Ad Astra est, bien sûr, Roy McBride (Brad Pitt), le fils de Clifford, astronaute également, qui a grandi dans l’ombre d’un père absent.

Ainsi, Ad Astra est-il par moments un véritable film de science-fiction à grand spectacle, et contrairement au High Life de Claire Denis, qui flirtait déjà sur des terrains similaires, il possède une « production value » à la hauteur de ses ambitions, avec des effets visuels réussis et certaines séquences spectaculaires.

Mais Ad Astra est aussi un drame intime, celui d’un fils à la recherche de son père. Un père que la NASA a dressé en héros et dont le fils peine à exister au-delà de la comparaison. Pas un jour ne passe sans que quelqu’un, entendant le nom « McBride », ne demande à Roy s’il est le fils de Clifford. Tout le drame de Roy, c’est qu’il a construit sa vie dans l’ombre de cette figure paternelle, qu’il connaît à peine. Le périple de Roy à la recherche de son père se fait à travers l’espace et le temps – car il faut tellement de jours pour aller si loin qu’on finit par arrêter de compter, et cette représentation du temps via le voyage spatial a rarement été aussi bien montrée au cinéma. Mais cette aventure n’est pas qu’un voyage vers les étoiles, elle est aussi une odyssée introspective. Un voyage vers l’inconnu, certes, mais pas le seul inconnu des grandes découvertes. Roy, sans le savoir vraiment, ne cherche qu’à élucider un mystère personnel. Un voyage cathartique comme odyssée psychanalytique, que l’usage de la voix off, développant les pensées de Roy, évoque explicitement. Pour panser ses blessures intimes, pour retrouver ce qu’il y a de plus proche, il faut parfois partir très loin.