Le temps de l'aventure

C’est l’histoire d’un regard croisé et de ses effets persistants. L’histoire d’une femme bouleversée par la présence d’un homme triste dans un train, l’histoire de sa trajectoire déviée, le temps d’une journée. Jérôme Bonnell (Le Chignon d’Olga, J’attends quelqu’un) filme avec une troublante acuité la valse-hésitation de son héroïne traversée par le désir. Au plus près de ses pas, de son élan, il suit la circulation de son émoi et l’audace qui la guide sur les traces de cet inconnu de passage. Au cœur de son élégante mise en scène (qu’ils sont maîtrisés, ses plans-séquences inauguraux, que la photographie de Pascal Lagriffoul est belle !), Emmanuelle Devos, investie corps et âme, irradie. Ses gestes, ses regards, son phrasé, sa voix sont tout entiers traversés de sa foi proclamée dans les pouvoirs émotionnels du cinéma. Elle est présence polarisante qui ne se sait exister qu’à travers les regards du réalisateur et de ses partenaires. Face à elle, Gabriel Byrne, en amant dévasté par le chagrin d’un deuil récent, touche par sa présence simple, immédiate. Toute la force de ce beau film réside dans le mariage subtil de l’anodin et du romanesque, du lyrisme et du burlesque, de l’intime et du spectacle. Tout cela est d’une grande sensibilité et d’une rare intelligence.