Play it again, Germaine ! J50

Respirer cinéma

Voilà 50 jours que les salles de cinéma sont fermées. Voilà 8 jours que nous savons qu’elles ne rouvriront pas avant janvier. Mais nous sommes nombreux à rêver cinéma, penser cinéma, respirer cinéma. Nous sommes de ce bois-là, toujours à se (re)faire des films. Play it again, Germaine ! Souvent ça se manifeste sous forme de dialogues. Certains sont si ancrés dans nos vies que nous n’y faisons plus attention.

De façon familiale, ma mère et mes tantes, comme leur père avant elles, disent systématiquement « Des carottes, crotte ! » (Le Père tranquille) lorsque l’oblong et orange légume est annoncé dans un menu. Une de mes camarades de boulot, aujourd’hui perdue de vue, maugréait immanquablement « C’était mon steak, Valance » (L’homme qui tua Liberty Valance), lorsque quelqu’un renversait quelque chose… Et j’ajoute pour les plus pointilleux que ceci est l’exact libellé dans la VF, tandis qu’en V.O., John Wayne disait (et dit toujours) « That’s my steak, Valance ! ». Une amie chère partage avec moi cet incompréhensible gimmick pour les non-initiés qui consiste à dire « Je suis très déçue par cette boussole » (Liberté-Oléron) devant n’importe quel appareil défectueux.

Dans nos têtes, dans nos vies, dans nos pratiques, c’est cinéma permanent. J’ai des hommages intimes et personnels qui n’émeuvent que moi. Par exemple, cette nappe bleue achetée juste avant une interview de Michel Deville (parce qu’il pleuvait et que j’étais en avance au rendez-vous) me fait immédiatement penser au réalisateur du Paltoquet. D’autres sont très envahissants comme la collection de boules à neige démarrée à 20 ans, à cause (bien sûr) de Citizen Kane par un châlet de montagne sous cloche disposé sur ma table de nuit et bientôt rejoint par des dizaines puis des centaines de globes contenant tout et n’importe quoi…  Et il ne se passe pas un été sans que je porte des tongs en plastique avec une jupe un peu habillée en clin d’œil à Julia Roberts (Coup de foudre à Notting Hill). Sans amour, on n’est rien du tout. Sans cinéma, je ne me sens pas grand-chose.