Cannes 2017

Ce qui nous échappe

C’est, depuis sa création en 1968, un espace de partage et de convivialité. La Quinzaine des Réalisateurs, qu’anime aujourd’hui la SRF (la Société des Réalisateurs de Films), est un haut lieu de cinéphilie mondiale, non pas un contrepoint à la Sélection officielle du Festival de Cannes, mais bel et bien une alternative, une section dite « parallèle » qui s’inscrit, en bonne intelligence, sur la Croisette – à l’instar de la Semaine de la Critique, quelques centaines de mètres plus loin, le long du boulevard maritime.

Sur la Croisette précisément, voici deux ans encore, les abords des bureaux qui abritent le staff de la Quinzaine étaient constitués de tentes blanches accueillantes, espace d’échange avec le public. La billetterie, des rencontres avec les artistes : ces abris montés pour les circonstances indiquaient que cette section, contrairement aux festivités du Palais, étaient ouvertes au public.

Depuis l’an passé, exit les tentes sur le parvis de l’historique Malmaison : interdiction.

L’équipe de la Quinzaine avait avalé la couleuvre, et gardé la tête haute.

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Cette année, le décor aux abords des bureaux d’accueil revêt des atours qui laissent autrement plus songeur : se tiennent, prostrés et affichant grise mine pour l’un, deux gigantesques personnages de cartoon gonflables, façon sentinelles désincarnées. Deux étendards d’un film d’animation à venir en provenance d’un studio US ? Lequel ? Rien ne l’indique et la signataire de ces lignes n’a pas mené l’enquête outre mesure, mais s’interroge : jusqu’où les chantres du marketing sont-ils prêts à pousser le vice ? Quid du bon goût de nos jours ? N’a-t-il plus voix au chapitre ?

À l’emplacement même où, voici quelques années encore, les élèves en cinéma de la région PACA venaient questionner les cinéastes sélectionnés par la Quinzaine, lors de débats publics, de molles structures gonflées à l’hélium et arrimées au sol semblent contempler l’horizon avec bien peu d’entrain. L’un, un gros oignon blanc esquisse un sourire gêné, l’autre boude ostensiblement. Ils cachent peut-être bien leur jeu (souvenons-nous du génial Vice Versa dont les protagonistes avaient de faux airs de ces personnages-là), mais pour l’heure, ils laissent perplexe et interrogent : jusqu’où les assauts des « marketeux » de l’industrie du 7e Art les mèneront-ils ? Y a-t-il un enfer, un paradis ? Fort heureusement, la mer et son horizon azuré leur font face. Y plonger son regard, ne serait-ce qu’un instant, délasse et laisse intactes les promesses de cinéma qu’offre la Quinzaine.