The Knick

Cousu main au fil blanc…

C’est un hôpital de pointe. Avec les meilleurs spécialistes, les moyens qu’on n’a pas ailleurs et les histoires s’enchaînent. Il y a les études, les expérimentations, les accidents et le reste de la vie d’un hôpital. Le tout plongé dans la frénésie new-yorkaise, dans sa vie et dans ses affres.

Somme toute, c’est un pitch qu’on connaît. Une histoire, un contexte, qu’on a déjà vu pendant des saisons entières, quelque part autour de Grey’s Anatomy. Sauf qu’on n’avait jamais vu The Knick.

D’abord parce que la série se place dans un New York des années 1900, quand l’électricité arrive à peine dans la ville et quand on n’avait pas encore d’antibiotiques pour contrer les septicémies… Ce qui n’est pas une mince affaire.

Et qu’on est loin des histoires de cœur des Dr Mamour et McDreamy. Cette fois les intrigues sont une question de places en chirurgie, d’équipements, et les patients ressortent plus souvent sur des brancards sous des draps que sur leurs deux pieds. On est, après tout, aux balbutiements de la médecine moderne. Et ces balbutiements sont passionnants. Mené par un parfait Clive Owen, alias John Thackery, The Knick est à la pointe de ce qui se fait, et les expériences sont nombreuses.

Mais Thackery, s’il est génial, n’est pas tout blanc. Il tente sans cesse de faire progresser son domaine, en tenant à distance ses addictions. Parce que Thackery est accro à la cocaïne et à l’opium, dont il use et abuse dans les fumeries clandestines. Des substances qui lui permettent de tenir dans ses nuits d’invention, de tenir face aux échecs et aux morts.

Thackery n’est pas pour autant le seul à devoir se battre contre sa part d’ombre. Chacun essaie de s’en sortir de son mieux, et de faire bonne figure. Que ce soit l’intendant de l’hôpital, les infirmières qui n’ont pas beaucoup d’horizon professionnel ou Cornelia Robertson, par exemple, directrice de l’aile sociale de l’hôpital, qui doit faire face à une société machiste où les femmes n’ont que peu de place.

Et le machisme n’est pas le seul souci de cette société new-yorkaise des années 1900… Il faut compter aussi avec une bonne dose de racisme. Et c’est un vrai problème, par exemple pour Algernon Edwards, qui a fait ses études et ses classes avec les plus grands, mais se retrouve remisé à la cave de la clinique… Parce qu’il est noir.

Des histoires passionnantes, ancrées dans une Histoire qui nous parle, c’est le principe de départ que The Knick nous propose.

Et des personnages dessinés, dévoilant tous leurs facettes au gré des épisodes et des situations, sans que ce soit une question de « tour ». Des personnages portés par des acteurs au sommet de leur art, qui ne cherchent jamais à tirer la couverture à eux, mais servent au mieux une épopée humaine passionnante.

C’est déjà beaucoup. C’est déjà plus que la majorité des séries françaises réunies, voire de beaucoup de soap-operas dont les chaînes nous abreuvent.

Vous en voulez encore ? Alors ajoutons à tout cela, à tous ces atouts majeurs, une mise en scène multi-oscarisée. Car – ce qu’on ne vous avait pas encore dit – c’est Steven Soderbergh (Hors d’atteinte, Traffic, Ocean’s Eleven…) qui propose The Knick ! Un réalisateur à la maestria consumée, qui n’en fait jamais trop, mais qui, si l’on s’arrête sur un plan ou une séquence, époustoufle. Et de fait, les images de The Knick sont archi léchées, sans être tape-à-l’oeil. Des images qui se mettent au service de l’histoire, mais étonnent et portent les sentiments des personnages, les exaltant. Usant de l’ellipse, du clair-obscur et même des visions oniriques, Soderbergh tisse son atmosphère, son ambiance avec un talent qu’on lui connaît, mais qui continue à nous épater.

Tout cela contribue à faire de The Knick une série addictive, hautement passionnante, qui ne fait que nous sur-prendre et nous enthousiasmer au gré de ses épisodes. Please, Steven… We want more !