On the Spectrum

Être ou ne pas être différent…

La vie quotidienne de trois jeunes adultes autistes vivant en colocation. Cette série israélienne porte sur la différence un regard nouveau, tendre et sans concession. Et change le nôtre.

Ce sont des petits riens, des décalages, des dérapages. Une manière de répéter les questions le corps raide, les yeux fixes ; une habitude, qu’on sent immémoriale, de compter ses pas jusqu’à la porte de l’orthophoniste ; une façon de sourire longuement, très très longuement. Zohar, Ron et Amit, la vingtaine déjà bien entamée, ne sont pas tout à fait comme les autres… Mais qui, en ce monde, est tout à fait comme les autres ?

On the Spectrum, série israélienne primée en 2018 à Séries Mania, arrive enfin en France (et en accès gratuit sur la plate-forme France.tv de France Télévision). Elle s’attache à décrire le quotidien de trois jeunes gens, une fille et deux garçons, qui partagent un appartement de Ramat Gan, dans la banlieue de Tel-Aviv. Atteints de troubles autistiques, ils s’arrangent comme ils peuvent avec la cohabitation, le rapport aux autres et leurs difficultés personnelles. Sous la férule d’une conseillère attentive et très patiente, Yaeli, faisant office de confidente, d’arbitre et de taxi. Et celle d’Acher, frère de Zohar, qui la chaperonne et la surveille comme le lait sur le feu, et forcément interagit avec ses colocataires.

L’écriture tenue, ni spectaculaire ni larmoyante, de la scénariste Dana Idisis, qui s’est inspirée de son propre frère autiste et de discussions avec des soignants, s’en tient au trivial, à l’ordinaire des jours, toujours le même. C’est cette simplicité (très complexe !) qui fait la force de la série : le regard porté, frontal, droit, à bonne distance, devient le nôtre. Et la mise en scène de Yuval Shaffermann capte la marge de chaque personnage en les filmant en scope, mais rarement au centre de l’image. Incarnés magnifiquement par des comédiens « neurotypiques », Zohar, Ron et Amit n’en sont pas moins le cœur battant de la fiction.

À mille lieues des poncifs en vogue à Hollywood (Rain Man de Barry Levinson ayant abondé la source de ces idées reçues), la série développe en dix épisodes de trente minutes ce qui tisse chaque journée dans la vie de ces trois êtres, aussi différents entre eux qu’avec le reste du monde. C’est drôle, souvent ; leurs obsessions, la répétition de celles-ci, nous font sourire. Mais on sourit avec eux, jamais contre eux. C’est effrayant, parfois : régulièrement des crises explosent, les portes claquent, ça hurle. C’est bouleversant, aussi. Lorsque Zohar, assise face caméra, tandis qu’à l’arrière-plan Ron et Amit se querellent autour du gâteau, comprend que ses « amies » du restaurant où elle travaille ne viendront pas à son anniversaire. Lorsque Ron, contraint et forcé, monte chez la voisine du dessus et découvre une femme vissée à son canapé pour d’autres raisons que les siennes… Et alors, oui, on pleure avec eux.