Festival Premiers Plans d'Angers 2019

À Angers, retour de vague

Selon tous les guides, deux choses doivent retenir l’attention du badaud de passage à Angers : la Tapisserie de l’Apocalypse du Château des ducs d’Anjou, et le Festival Premiers Plans. Trente ans sont passés depuis la première édition d’un Festival dédié aux premiers films européens qui marquera les cinéphilies. De quoi entrer dans l’Histoire.

Publié en 2018, à l’occasion de la 30e édition du Festival Premiers Plans d’Angers, le livre anniversaire du Festival est un album de souvenirs. L’ouvrage est essentiellement une compilation de photos, comme autant de moments personnels d’une histoire du cinéma. Dans cette histoire centenaire, on se dit que 1989, c’était hier, et pourtant… Lucas Belvaux était comédien, Serge Toubiana écrivait dans Libération, Jean-Pierre Mocky était fréquentable et Arnaud des Paillières réalisait des courts-métrages. Tous arpentaient les rues d’Angers, quelque part entre les quatre cinémas qui existaient encore, à voir des premiers films européens, mais aussi des films de 1959, de la Nouvelle Vague (À bout de souffle, Hiroshima mon amour, Les Quatre Cents Coups…), mis en regard – l’idée est maline – de la production française plus traditionnelle de l’époque (Pêcheurs d’Islande de Pierre Schoendoerffer, Le Trou de Jacques Becker, Marie-Octobre de Julien Duvivier…).

Les films de 1989 ont trente ans

En 1989, la Nouvelle Vague avait trente ans et rentrait définitivement dans l’histoire du cinéma. C’est pour assurer une continuité, pour suivre le renouvellement d’une jeune création cinématographique européenne, que Claude-Eric Poiroux, exploitant angevin mais aussi producteur (Désordre d’Olivier Assayas en 1986, par exemple), a l’idée de ce festival. L’ambition : faire se côtoyer un regard critique sur l’histoire du cinéma à travers des rétrospectives, et un accueil du cinéma de demain avec une sélection de premiers et deuxièmes films européens. Le Festival Premiers Plans était né. Excroissance d’un cinéma appelé « Les 400 Coups », fruit de la ville d’André Bazin, à 100 kilomètres de Nantes et de son festival historique et pointu des Trois Continents, le Festival Premiers Plans ne pouvait être qu’un festival de cinéphiles exigeants. C’est ainsi que, dès sa première édition, il a été sanctifié par la critique de cinéma, se réunissant à l’occasion d’un colloque. En cette fin janvier 1989, ils étaient tous là : Gérard Lefort, Dominique Païni, Pierre Murat, Alain Riou… Seize des plus influents critiques de cinéma français de l’époque (quinze hommes pour une seule femme, Anne de Gasperi – il est parfois bon que certaines choses changent), découvrant pour la première fois un festival qui marquera leur histoire, comme on visite une cathédrale en construction.

Marquer l’Histoire

Quand on fouille dans les archives d’un festival, on observe l’histoire qui inconsciemment s’écrivait. Par définition, les cinéastes signant leurs premiers films sont presque toujours inconnus. En 1991, de Jean-Claude Riga, Sandor Söth ou Arnaud Desplechin, tous en compétition, qui aurait su distinguer celui qui marquerait le cinéma, et celui qu’on oublierait, tragédie d’une mémoire collective forcément sélective. En 1994, hasard du calendrier, deux cinéastes pour la dernière fois inconnus se côtoient en sélection : Noémie Lvovsky, collègue et amie de l’IDHEC d’Arnaud Desplechin, avec Oublie-moi, et un jeune réalisateur, Danny Boyle, auteur d’une comédie qui enthousiasme le public angevin un an avant de triompher aux BAFTA, Petits meurtres entre amis (dont le nom en France est encore Shallow Grave) et qui, au passage, révèle un acteur britannique qui écrira bientôt sa légende à Hollywood : Ewan McGregor.

Parole d’Évangile

Suzanne Bier, Nuri Bilge Ceylan, François Ozon, Fatih Akin, Matteo Garrone, la liste des réalisateurs « importants » découverts à Angers est loin d’être anecdotique. Avec le temps, le festival est devenu l’un des rendez-vous essentiels du jeune cinéma européen. La passion cinéphile et la connaissance du secteur des organisateurs et programmateurs y est pour beaucoup, tout comme le hasard de certaines rencontres. À l’instar de celle avec Jeanne Moreau. En 2003, Claude-Éric Poiroux et son équipe proposent à la comédienne de présider le jury du festival. De cette première rencontre naîtra une passion entre Moreau et Angers, symbolisée par la création d’une école de cinéma, Les Ateliers d’Angers, résidence accompagnant de jeunes cinéastes francophones dans le passage au long-métrage. Et là aussi, quand on observe la liste des anciens résidents, certains noms sortent du lot : Guillaume Brac, Mehdi Ben Attia, Rebecca Zlotowski, Vincent Mariette, Guillaume Senez, Claire Burger, et plus récemment Hubert Charuel ou Lukas Dhont. Auteurs de films salués par la critique et héritiers, souvent, de la Nouvelle Vague. Bien sûr, en 1988, alors que l’équipe du futur festival planchait sur ce projet d’événement culturel, personne ne pouvait prédire cette histoire qui allait s’écrire. Mais en observant les thématiques choisies pour cette première édition (« La Nouvelle Vague a trente ans » et « Questions à la critique »), il semble maintenant que cette histoire était déjà écrite. Comme une révélation prophétique de la Tapisserie de l’Apocalypse, Angers devait être la ville d’une éternelle Nouvelle Vague.

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