Le roi des neiges

Entretien avec Joe Penna

Premier film du jeune réalisateur Joe Penna, Arctic, robinsonnade glacée, projette un Mads Mikkelsen minéral dans un environnement aussi froid qu’hostile. Épuré et prenant, ce thriller de survie est une véritable découverte, qui parvient à surprendre sur un thème pourtant souvent exploré. Son réalisateur revient sur sa fabrication et sur son approche très précise de la mise en scène.

Quel parcours vous a mené jusqu’à la réalisation de ce premier long-métrage ?

Vous savez, j’ai commencé par réaliser des vidéos YouTube avant de passer à la réalisation de publicités, de clips et finalement de courts-métrages. Ce sont des médias très différents, et si vous voyez par exemple mes courts métrages, ils m’amènent stylistiquement vers ce premier long. Je vois ça comme différentes étapes vers Arctic.

Quelles étaient vos inspirations pour ce film ?

Ma première inspiration fut une photo de la planète Mars. Avec mon coscénariste nous avons commencé par travailler sur l’histoire d’un groupe confronté à un milieu hostile, puis nous avons réduit à un seul homme pour rendre l’histoire la plus universelle possible. Puis nous avons montré le script à notre producteur, qui nous a alors indiqué que Ridley Scott était en train de travailler sur un petit film appelé Seul sur Mars. Nous nous sommes alors dirigés vers l’Arctique.

Mads Mikkelsen était-il votre premier choix ?

Pour être honnête, nous n’avions même pas pensé à lui au départ, c’était un acteur que nous ne pensions pas pouvoir nous offrir. Quand notre producteur est venu nous voir en nous disant : « Seriez-vous intéressés par Mads Mikkelsen ? », ma première réponse fut : « Est-ce que nous allons l’intéresser ? » Notre premier contact fut une conversation Skype de deux heures, pendant laquelle j’ai vu qu’il comprenait tout suite notre approche du film.

Arctic de Joe Penna. Copyright The Jokers.
Combien de temps le tournage a-t-il duré ?

Nous avons tourné rapidement, en seulement dix-neuf jours. À raison de six jours par semaine, car nous savions que nous allions manquer de neige rapidement. Nous étions également tributaires de la lumière du soleil, présente entre quatre et cinq heures par jour. Et nous n’avions pas le budget de Game of Thrones pour pouvoir tourner tout l’hiver.

Mads Mikkelsen donne vraiment l’impression d’avoir passé du temps dans le grand froid, comment avez-vous fait ? Avez-vous eu recours à des prothèses ?

Non, pas du tout. Nous avons commencé par tourner la seconde partie du film d’abord. Son visage y est souvent masqué d’une cagoule et d’une écharpe. Et nous avons ensuite tourné toute la première partie, alors que Mads avait passé plusieurs jours dans ce climat extrêmement rigoureux. J’ai pu ainsi faire des gros plans sur son visage marqué par le froid.

À propos du début du film : nous entrons brusquement dans l’histoire, alors que le crash de l’avion a déjà eu lieu. Avez-vous immédiatement envisagé votre histoire ainsi ?

J’avais vu plusieurs films de survie, parfois très explicatifs, comme Seul au monde, La Tortue rouge, 127 heures. Je me suis dit qu’il fallait qu’on comprenne le plus de choses possible en en montrant le moins possible. Mais mon influence principale n’est pas à proprement parler une histoire de survie, c’est Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson. Je suis passionné par l’ascétisme de ce film, que je voulais retrouver pour Arctic.

Arctic de Joe Penna. Copyright The Jokers.
L’humour du film se trouvait-il dans le script ?

Oui, tout était dans le scénario. C’est amusant, car certains moments étaient faits pour être drôles, d’autres le sont devenus pendant les projections : vous me racontez des moments qui ont fait rire lors de la projection à laquelle vous avez assisté. Mais certaines de ces scènes n’ont pas fonctionné avec un autre public. La scène de dîner avec les nouilles instantanées, par exemple, a fait rire lors des projections à Cannes, mais lors des premières que j’ai organisées, les réactions furent très sérieuses.

Vous parsemez le film de petits détails, d’indices, parfois difficiles à déchiffrer, qui pourraient nous donner plus d’indications sur le personnage et son parcours.

C’était bien sûr intentionnel. Je ne voulais pas de flash-back ou de longues explications, et certaines images sont interprétables de différentes façons. C’est ma façon de faire participer le spectateur plus activement au film. Quand toutes les informations ne sont pas soulignées par le réalisateur, vous pouvez commencer à vous raconter votre propre histoire.

Avez-vous utilisé des images de synthèse ?

Près de 400 plans du film sont corrigés en images de synthèse. Mais c’était souvent pour rendre des choses invisibles, imperceptibles. Nous avons, par exemple, corrigé de légers mouvements de caméra provoqués par le vent. Nous avions un dogme très strict : pas de mouvement d’appareil pendant les vingt premières minutes du film. Nous voulions faire oublier la présence de la caméra pour accentuer le sentiment de solitude du personnage. Et nous commençons à apporter progressivement différents mouvements de caméra (panoramiques horizontaux et verticaux, puis travellings) au fur et à mesure de la progression du récit et du personnage.

Quel est votre prochain projet ?

Après Arctic, il s’agirait du second film d’une trilogie sur l’altruisme en milieu hostile. C’est un film de science-fiction qui s’intitule Stowaway et évoque une mission spatiale sur Mars. Je vais finalement explorer la planète rouge.