LUFF 2017 : ça gratte et c’est bon

(Lausanne du 18 au 22 octobre)

Où il est question de verticalité contrariée et de torture sonore aux WC… Retour sur la 16e édition du Lausanne Underground Film [and Music] Festival.

LUFF –Lausanne Underground Film (and Music) Festival

Cette année, les festivités ont commencé avec le très réussi premier long métrage de fiction de Bertrand Mandico, un habitué des lieux, déjà primé pour ses courts. Je n’étais pas encore là, mais ce n’est pas grave car j’avais eu la chance de découvrir Les garçons sauvages (sortie en salles françaises prévue le 14 février 2018) à L’Etrange Festival. Pareil pour le film de clôture, Laissez bronzer les cadavres (du duo Cattet/Forzani, voir FEFFS 2017). En revanche, entre les deux pas grand-chose de connu à l’horizon –et c’est ça qu’il y a de formidable avec ce festival, le plus à la marge (avec L’Etrange) de ceux que je fréquente !

Alors bien sûr, face à une telle débauche de propositions en un temps si réduit (quatre jours/nuits et une soirée d’ouverture), il serait avisé de ma part, à l’avenir, d’établir une stratégie de visionnages plus élaborée en amont. Car si en choisissant ainsi, plus ou moins au petit bonheur, je fais évidemment et heureusement plein de belles découvertes, je m’expose aussi à des impasses terribles.

Aller au plus simple ?

En cas de doute, j’ai tendance à privilégier la compétition. Un calcul un peu bêta vu que celle-ci pioche dans une actualité (en gros, les films produits durant les 12 derniers mois) pas toujours des plus excitantes. Ainsi, le cru 2017, loin d’être honteux, n’était point complètement mémorable non plus. Du lot est ressortie une fantaisie échantillonnée, musicale, expérimentale = le joyeusement scatophile et bubonique Kuso (Flying Lotus, 2017), distingué meilleur long métrage par le jury. J’adhère.

Je retiens aussi Like me de Robert Mockler pour son fort univers esthétique et sa charismatique comédienne, même si le fond de l’histoire –la célébrité à tout prix via une indécente quête de clics- me passe au-dessus de la tête. Quant à Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau de Mathieu Denis et Simon Lavoie, film aussi long que son titre, je suis partagée entre le rejet (les déclamations poétiques ou politiques face caméra) et une durable fascination pour la mise en scène de ces quatre jeunes gens aux corps brandis et aux élans révolutionnaires de plus en plus intenables. C’est ambitieux, complexe, plein de références… Peut-être mal-aimable ; certainement pas anodin.

Appelons un chat un chat – mais pas une chatte

M’enfin, pour être honnête, en général au LUFF en ce qui me concerne, c’est plutôt dans les autres sections que la magie opère. Et cette année, c’est surtout du côté de la carte blanche à Mauvais Genre que j’ai vibré. Inexplicablement, j’entends parler depuis des années et en termes plus qu’élogieux de cette émission de radio, mais je ne l’ai encore jamais écoutée. Pourtant elle recoupe mes centres d’intérêts, mes goûts – ce n’est pas pour rien qu’on m’en cause- et puis j’aime infiniment le média radiophonique – que j’ai assidument pratiqué par le passé. La rencontre ne s’est pas encore produite… Mais ça va changer, maintenant que j’ai vu Christophe Bier introduire The Sinful Dwarf, film déviant porté par un nain lubrique. Attention, nous a-t-il mis en garde dans une épique digression remontée contre le politiquement correct, on ne doit plus dire nain, ni même personne de petite taille, mais personne à la verticalité contrariée. Et de conclure qu’il y en a marre de cet état d’esprit qui aboutit à tous ces films qui ne grattent plus. Je condense ; c’était très drôle. Dans la foulée le film proposé, lui, comme promis démangeait méchamment aux entournures. Et la verticalité contrariée de se muer en running gag jusqu’à la fin du LUFF.

L’autre jolie découverte de cette carte blanche, cette fois présentée par François Angelier, était Le trio infernal, premier film de Francis Girod. Avec, ‘scusez du peu, Michel Piccoli et Romy Schneider en meurtriers opportunistes et Ennio Morricone pour saupoudrer la farce noire et visqueuse d’une ribambelle de mélodies ironiques. Bien contente de l’avoir finalement découvert celui-là –je l’avais raté à L’Etrange Festival qui a aussi eu la bonne idée de célébrer les 20 ans de Mauvais Genre.

A fond la musique

Et puis au LUFF, il y a le versant musical, de 22h à pas d’heure. Ce qui donne des nuits de sommeil écourtées, assorties d’oreilles qui bourdonnent. Car je crois l’avoir déjà signalé par le passé, quand c’est censé être joué fort, c’est joué VRAIMENT FORT. Et comme la programmation est volontiers bruitiste… Mais là où on ne s’attendait pas à une telle débauche de décibels, c’est aux WC : un projet artistique y reproduisait une torture employée par la CIA à Guantanamo = passer de la soupe pop en boucle et à plein volume. Ben du coup on ne traîne pas aux toilettes. Et je crois que c’est sur cette phrase absurde que je vais conclure… Suite l’an prochain !