PIFFF 2016

L’avenir du genre

Une sélection internationale, mais qui fait la part belle au cinéma européen et une variété de genres qui rappelle que le fantastique peut être présent partout : la sixième édition du festival de film fantastique de Paris, le PIFFF, prouve à ceux qui le croyaient encore sclérosé que le cinéma de genre continue toujours à nous surprendre.

 

Bien identifier la salle. Les meilleures entrées, les meilleures places. La localisation des toilettes. Sept jours au Max Linder Panorama, c’est un peu le sous-titre du PIFFF 2016. Pas étonnant donc que le Festival de Films Fantastiques de Paris s’ouvre et se ferme sur des huis clos. Et pour commencer, exit le Max Linder, direction une morgue durant les 99 minutes que dure The Autopsy of Jane Doe, le (génial) film d’ouverture. C’est ça, le cinéma, on voyage. Dans ce premier film américain du Norvégien André Øvredal, on fait la connaissance des Tilden, médecins légistes de père en fils. Ce devait être un soir comme un autre dans la morgue familiale, jusqu’à ce qu’on leur apporte le corps d’une jeune femme. Dates et circonstances du décès : inconnues. Identité : inconnue. Mais si le corps est d’apparence intact, c’est de scalpel en scalpel que vont se faire des découvertes de plus en plus étranges…

Effrayant, surprenant, rythmé et efficace : avec The Autopsy of Jane Doe, le festival commence bien. Il s’achèvera tout aussi bien avec un huis clos d’apparence plus conviviale : Safe Neighborhood, thriller arrosé à l’humour noir, sorte de relecture corsée de Maman, j’ai raté l’avion, croisée avec un épisode de Noël des Contes de la crypte. Et si, cette fois, les méchants n’étaient pas d’affreux étrangers venus cambrioler le quartier, mais bien le petit garçon laissé loin de ses parents ? Drôle et méchant à souhait, Safe Neighborhood est le parfait conte de Noël pour amateur de thrillers. Une délicieuse friandise pour finir en beauté ce festival qui avait déjà beaucoup gâté ses fans, et dont voici nos coups de cœur, en quatre pépites :

 


Grave
de Julia Ducournau


 

Alors, bien sûr, le film de Julia Ducournau a déjà tourné un peu partout, mais comment ne pas le citer ? Pour les amateurs de films fantastiques, c’est une œuvre qui fera date. Pour ceux qui aiment le cinéma social, c’est peut-être le film de l’année. Des décennies que les cinéphiles français se demandaient pourquoi la production locale de films de genre était si rare et médiocre. Cette époque semble révolue. Le renouveau du cinéma fantastique en 2017 est français. Merci à Julia Ducournau et son histoire d’adolescente végétalienne qui se révèle cannibale après un bizutage en école vétérinaire (Grand Prix du festival) !

 


Prevenge
de Alice Lowe


Imaginez Rosemary’s Baby croisé avec Kill Bill. Vous n’y arrivez pas ? Alice Lowe, elle, si. Dans son premier long-métrage en tant que réalisatrice, la comédienne britannique – plutôt habituée aux comédies – incarne une femme enceinte forcée par son futur bébé à assassiner tous les responsables de la mort accidentelle de son mari. C’est très drôle, tout en restant sérieux, avec une touche de réalisme social à la Ken Loach. Ça met un peu mal à l’aise aussi. Difficile de rester indifférent face à cet « OVNI » gallois qui joue avec les codes du genre.


K-Shop
de Dan Pringle


À ceux qui regrettaient le trop faible nombre de films prenant pour cadre des kébabs, voilà une lacune de comblée grâce à Dan Pringle. Bon, pas sûr que le premier long-métrage du réalisateur britannique fasse le plus grand bien à l’économie du Döner-tomates-oignons-sauce blanche, puisque c’est de la viande humaine qui tourne sur la broche électrique du snack de Nigel, le personnage principal. En tout cas, depuis que son père a été tabassé et laissé pour mort par de jeunes gens ivres devant la porte de ce qui était son restaurant. Car sous ses aspects rigolos, K-Shop est presque un film politique sur les banlieues anglaises et leurs habitants, premières victimes de la multiplication des boîtes de nuit, des bars à beuveries, et de la désastreuse culture du binge-drinking.


Sam was here
de Christophe Deroo


Le désert de Mojave, au milieu des années 1990. Sam, un représentant de commerce, recherche désespérément des clients dans les petits villages qui longent la route. Mais toutes les maisons, toutes les stations-service, tous les motels sont désespérément vides. Seul semble résonner dans ce silence la voix d’une étrange radio locale. Film français tourné hors circuit aux États-Unis, le premier long-métrage de Christophe Deroo rappelle les meilleurs moments de La Quatrième Dimension et l’ambiance mystérieuse des meilleurs David Lynch.

PIFFF 2016 - Reportage - Sam was here de Christophe Deroo