Michael Fassbender

Dr Jekyll et Mr Hyde du cinéma

Il est partout. Pour la promo d’Assassin’s Creed, premier volet d’une potentielle saga adaptée du génial jeu vidéo d’Ubisoft, Michael Fassbender ne s’économise pas. L’occasion de revenir, avec un rien de nostalgie, sur cet acteur protéiforme et nos rencontres…

La première fois que le monde du cinéma a découvert Michael Fassbender, c’est en tant que petit ami de la « Angel » de François Ozon. Et la première fois que j’ai rencontré le monsieur, c’est pour la rencontre presse organisée autour de ce film. Un dîner où les lacunes en anglais de mes confrères m’avaient permis d’être une de ses principales interlocutrices. Rarement ai-je été aussi reconnaissante au système français d’apprentissage des langues et de ses manquements !

Pendant le dîner, nous discutions de ce milieu que nous découvrions (j’étais alors « jeune » journaliste), Mister Fassbender me parlait de ce 300 qu’il venait de finir de tourner, avec un charme et un sourire désarmants.

Le monde du cinéma aurait dû se douter de quelque chose. Moi aussi. Nous étions tous les deux en train de tomber sous l’emprise de cet acteur unique, parfait mélange d’Irlande et d’Allemagne. Un homme qui allait faire le bonheur du cinéma d’auteur et des blockbusters, autant que le nôtre – le mien. Un Dr Jekyll and Mr Hyde du 7e art, au charme vénéneux.

 

Michael Fassbender dans 300 de Zack Snyder - 2007

Côté Dr Jekyll, sa longue silhouette déliée et sa mâchoire carrée en ont fait un super-héros des plus convaincants. De 300 donc, à son rôle de jeune Magneto dans les prequels des X-Men en passant par Jonah Hex – même si celui-là, on voudrait tous l’oublier, y compris lui, qui a choisi de ne même pas le voir. En règle générale, il apporte à ces personnages trop souvent monolithiques la profondeur de son regard. Sans aucun doute est-ce le fruit de ses années de formation au Drama Center de Londres, où le jeune Michael, à peine majeur, a commencé sa carrière d’acteur. Sur les planches, il fait des étincelles avec l’Oxford Stage Company et a fait ses armes sur les grands textes classiques, mais aussi sur des productions plus modernes, comme celle d’une adaptation pour le théâtre de Reservoir Dogs, d’après le script de Tarantino, qu’il avait lui-même produite et qui a convaincu ses parents, restaurateurs, de le laisser se lancer dans ce qu’ils pressentaient être sa vocation.

Michael Fassbender sait tout faire, et ça aussi, le cinéma l’a vite compris. Si on avait déjà vu toute l’étendue de son talent, c’est avec Steve McQueen, le réalisateur (pas l’autre), que le reste du monde comprend. Cet homme est un acteur de génie, capable de s’immerger dans ses rôles jusqu’à parvenir à se faire oublier. Dans Hunger, il est un Bobby Sands de génie, au delà de la performance et de son changement physique (il perd 14 kilos pour jouer le rôle) : il est habité par la fièvre de ce leader de l’IRA. Impressionnant.

Ce Mister Hyde est monstrueux, de talent et de charisme, il envoûte et convainc, semble-t-il, sans effort. Le meilleur exemple, au-delà de ceux que les prix ont récompensés, des nominations aux Oscar pour Steve JobsTwelve Years a SlaveA Dangerous Method et autres Shame (bien sûr)… le meilleur exemple, donc, peut-être moins évident, c’est le Fish Tank d’Andrea Arnold. La réalisatrice a capté sa capacité à passer du lumineux à l’inquiétant en une seconde, tout en portant à l’écran un charisme et un sex-appeal indéniables.

Michael Fassbender dans Shame de Steve McQueen - 2011

Bien sûr, on ne saurait s’y tromper. Michael Fassbender est un bosseur, et il ne s’économise pas, construisant ses personnages jusqu’au vertige. Il travaille, sans cesse, faisant des choix qui pourraient paraître incongrus à qui pense « carrière » ou « stratégie ».

Il suffit d’une rencontre pour comprendre que l’homme, derrière l’acteur, est loin de ces questions, d’une simplicité désarmante. Avec son accent irlandais, devenu discret mais encore présent, et son nuage de lait dans son thé, il est presque « normal ». Absent (ou presque) des colonnes des journaux people, Michael Fassbender fait son travail, comme tout le monde.

Depuis le succès de X-Men, il a monté sa boîte de production, DMC Film, et sortira donc avec Assassin’s Creed son premier gros projet, en partenariat avec Ubisoft. L’adaptation d’un jeu vidéo culte, un loisir qu’il ne pratique pas. Mais un univers, un sujet, qui l’a « accroché » pour cette idée d' »héritage génétique » qui nous viendrait de nos ancêtres et qu’on pourrait explorer à loisir.

Un paradoxe de plus pour lui, qui avoue avoir construit une philosophie de vie à force de travail, ou de films, qui le pousse à aller de l’avant, à ne pas s’inquiéter de ce qui aurait pu être pour se poser la question de ce qu’il peut faire pour vivre le moment. Le passé ? Des leçons, des gens à qui pardonner pour ne pas se faire ronger par le ressentiment. Le présent ? Des opportunités. Des envies. Celle de réaliser, peut-être bien.

 

Michael Fassbender dans Assassin's Creed de Justin Kurzel - 2016

Quant à savoir s’il pourrait faire sienne la philosophie des « assassins » qui travaillent dans l’ombre pour amener l’humain à une certaine « lumière », ou s’il préfère se voir acteur, travaillant dans la lumière pour explorer la part d’ombre de ses personnages, son rire franc répond presque plus que ses mots: « Moi, j’aime surtout trouver ma lumière ».

Et nous, on aime sa – fausse – simplicité, ses paradoxes et sa force à l’écran, indéniable et profondément juste. Oui, je l’avoue, le charme irradie, et j’espère bien qu’il perdurera, parce que je suis prête à parier – écrire à l’atelier de Bande à part pour prendre les paris – que Michael Fassbender n’a pas encore révélé toutes ses facettes et va continuer à nous surprendre et nous envoûter. « Mark my words ».