Cinq ou six joyaux signés De Niro

À ce jour, Robert De Niro est apparu dans cent trois films sur le grand écran, depuis ses débuts en 1965 dans le court-métrage Encounter de Norman C. Chaitin et sa figuration dans Trois Chambres à Manhattan de Marcel Carné. C’est avec son rôle de Johnny Boy dans Mean Streets, en 1973, qu’il est remarqué à l’échelon mondial. Jusqu’en 1989, année où il crée sa compagnie de production TriBeCa Productions, il tournera plusieurs très grands films d’auteur (Coppola, Bertolucci, Kazan, Cimino, Leone, Gilliam, De Palma…), pour lesquels il fut généralement encensé par la critique, pas toujours par celle de son pays. Son premier triomphe au box-office, Midnight Run (Martin Brest, 1988), l’incitera à se produire dans des films plus destinés au grand public, en particulier dans le domaine de la comédie (Mon beau-père et moi/Meet the Parents, Jay Roach, 2000, 330 millions de dollars de recette). La pertinence de ses choix de rôles et ses prestations d’acteur en pâtirent alors souvent quelque peu, comme aujourd’hui avec Mon grand-père et moi (The War With Grandpa, Tim Hill, 2020). Si l’on doit retenir cinq de ses meilleures interprétations, la sélection relève d’une mission quasi impossible, mais peut néanmoins être effectuée, si l’on s’en tient à la pure subjectivité et à cinq de ses caractéristiques majeures.

Le paroxysme

 

Adepte des éclats de voix et de comportement, De Niro en donna une première et impressionnante illustration dans Mean Streets, son premier film pour Martin Scorsese. Garçon bagarreur, sans conscience aucune, Johnny Boy doit de l’argent à tout son entourage, renie ses dettes et, en outre, menace les puissants au lieu de se faire oublier. De Niro brille de vérité animale et auto-destructrice dans ce rôle, qui sera suivi de neuf autres pour son cinéaste attitré.

 

La sobriété

 

Dans Taxi Driver (Scorsese, 1975), il a recours à une violence extrême pour purifier une maison de passe new-yorkaise, mais peut également faire preuve d’une grande retenue dans l’expression de ses sentiments purificateurs, tout au long des jours qui précèdent son appropriation de l’Apocalypse. De Niro, formé à l’école de Stella Adler, y excelle dans l’art d’exprimer, sur son visage impassible, la puissance volcanique des démons intérieurs de Travis Bickle. Une prouesse.

 

La composition

 

Il avait perdu treize kilos pour incarner son ange exterminateur au taxi jaune. Il en prit vingt-sept pour incarner le boxeur Jake La Motta, le Raging Bull de Scorsese et Paul Schrader en 1980. Par la suite, il se fit limer les dents et tatouer le corps pour mieux rendre inquiétant son vengeur psychotique des Nerfs à vif (Cape Fear, Scorsese, 1991). En 1994, il transforma radicalement son anatomie entière pour battre (en vain) Boris Karloff dans le Frankenstein (Mary Shelley’s Frankenstein) de Kenneth Branagh. Mais l’Histoire du cinéma retiendra pour toujours son boxeur en quête de rédemption.

 

L’hyperréalisme

 

Le grand souci de l’Actors Studio. De Niro y parviendra en le sublimant dans 1900 (Novecento, 1976) de Bernardo Bertolucci, puis dans Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America, Sergio Leone, 1984), tout en se faisant tout petit dans la mise en scène de ces deux géants du cinéma italien.

 

La vérité intérieure

 

Autre point fort de l’acteur, cette manière qu’il a d’exprimer à partir de petits détails très précis –  que l’on remarque sur son seul visage ou dans certains gestes discrets – les pensées et les sentiments les plus profondément ancrés dans la psyché de ses personnages. Comme celui du Dernier Nabab (The Last Tycoon, Elia Kazan, 1976), tiraillé entre ses responsabilités de producteur de films et son impuissance à remplacer sa femme disparue. La facette la plus prégnante du talent de Robert De Niro.