La musique de film est en deuil. Elle perd son plus illustre représentant. Le compositeur italien Ennio Morricone est mort à l’âge de 91 ans dans la nuit du 5 au 6 juillet 2020, lauréat d’un Oscar d’honneur et d’un Oscar pour Les Huit Salopards de Tarantino. Ses partitions pour Sergio Leone et ses westerns spaghetti sont entrées dans la légende. La puissance de Morricone est de s’être toujours mis au service des films, en s’effaçant parfois à leur profit, ce qui fait de lui le plus grand serviteur du cinéma. Et à la fois en instaurant une empreinte musicale durable, par la force de ses mélodies et la singularité de ses instrumentations. Compositeur exigeant et savant, capable d’expérimentation, de dissonances, d’une écriture orchestrale précise, il savait aussi toucher le cœur du grand public, il pouvait flirter avec des styles populaires, le jazz ou la chanson. Morricone était tout ce que la musique de film pouvait incarner. Il était le lyrisme et la retenue, la symphonie et la note tenue, le motif répétitif et le développement mélodique, l’horreur et la comédie, le soutien et le décalage. Il était capable d’alterner les cinéastes et les genres très différents, allant jusqu’à une vingtaine de projets rien que pour l’année 1968, sans rogner sur la qualité. Il était intransigeant (il refusait, par exemple, les musiques temporaires destinées à être imitées). Il fut le premier à intégrer dans ses partitions des voix, sifflements et bruits divers (détonations, claquements de fouet, cloches). Il travaillait en France, en Italie et aux USA. Il collaborait avec des cinéastes majeurs comme Brian De Palma, Pier Paolo Pasolini, Bernardo Bertolucci, Terrence Malick, Pedro Almodovar, Yves Boisset, Roland Joffé, et il continuait de travailler avec Giuseppe Tornatore (rencontré en 1988 sur Cinema Paradiso). Sa méthode consistait à discuter avec les réalisateurs avant qu’ils ne tournent et tout était composé et enregistré avant le démarrage du tournage. C’est ainsi que sa musique fut diffusée sur le plateau de Il était une fois dans l’Ouest pour conditionner le mouvement d’un duel. Dans ce même film, il pouvait à merveille caractériser un personnage. Dès le scénario, « l’homme à l’harmonica » avait son thème. Le Français Christian Carion, qui a fait appel à lui pour son film de guerre En mai, fais ce qu’il te plaît (2015) disait de lui : « Morricone est pour moi plus qu’un compositeur de cinéma, c’est LE cinéma. Il est dans l’ADN mondial du cinéma, de par tout ce qu’il a fait depuis tant d’années. C’est là qu’est sa force, sa musique EST du cinéma, il n’y en a pas beaucoup qui sont dans cette catégorie. On l’écoute et on est au cinéma. Il sait faire ça. ».