Ave Sergio Leone
Reprise en salles de Il était une fois dans l’Ouest, grande exposition à la Cinémathèque française, le maestro du western-spaghetti est sur tous les fronts.
La stridence prémonitoire de l’harmonica de Charles Bronson signée Ennio Morricone ; Jason Robards, l’aventurier sans scrupules qui trouve la rédemption ; les silhouettes menaçantes vêtues de longs manteaux ; Henry Fonda, l’assassin souriant ; Claudia Cardinale, la jeune veuve courageuse… Plus culte, tu meurs, comme la plupart des protagonistes : Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, chef-d’œuvre du patron du western-spaghetti, revient à l’affiche dans sa version restaurée supervisée par Martin Scorsese. Nous sommes en 1969, Leone a déjà livré sa « trilogie du dollar », le genre fait florès et partout en Europe des cohortes d’antihéros hirsutes, avec la violence en partage et l’humour en prime, revendiquent l’appellation contradictoire qui a perdu peu à peu son bémol péjoratif. En France, l’impact de Il était une fois dans l’Ouest est immédiat. Ainsi Michel Mardore écrit-il dans Le Monde dès la sortie : « Le très gros plan, longtemps banni d’un récit où l’homme devait se fondre dans la nature, restitue la présence des ambitions humaines, la géographie des visages supplante celle des grands espaces ». Des grands espaces américains trouvés pour la plupart en Espagne, dans la région d’Almeiria. Comme c’est le cas aujourd’hui pour le film de Jacques Audiard, Les Frères Sisters. Prématuré cependant de parler de… western baguette ! Le film de Sergio Leone réalisera des scores astronomiques : 8,9 millions d’entrées en Italie, 13 millions d’entrée en Allemagne et 15 millions d’entrées en France, en comptant ses ressorties successives. Aux États-Unis, en revanche, on ne fut pas loin du boycott. Amputation de plusieurs scènes, et surtout indignation de voir Henry Fonda, le citoyen exemplaire, l’interprète du jeune Abraham Lincoln (Vers sa destinée), le juré inébranlable de Douze hommes en colère incarner un assassin d’enfants !
Au moment où Il était une fois dans l’Ouest ressort en salles s’ouvre à la Cinémathèque française la fastueuse exposition Il était une fois Sergio Leone. Chronologique, didactique, ce qui ne l’empêche pas d’être fervente, elle aligne sur les murs une fabuleuse galerie de trognes inoubliables burinées par l’imaginaire du maestro. Et recèle quelques instants magiques, tels ces courts extraits de tournage, où l’on saisit à la fois l’exigence ludique de Leone et la docilité respectueuse de ses interprètes, dont fort peu demeureront en vie à la fin des films ! Exposition enrichie de conférences, d’hommages – à Ennio Morricone, notamment – et d’une rétrospective complète des westerns de Leone qui se poursuivra jusqu’à la fin de l’année. Sans oublier – surtout ! – la parution sous la direction de Gianfranco Farinelli et Christophe Frayling (La Table ronde), d’un catalogue hors norme. Pour un prix très raisonnable (26,50 euros), il s’agit d’une somme, d’un livre de plus de 500 pages, richement illustré, et foisonnant d’analyses pertinentes et d’entretiens passionnants. Avec Clint Eastwood, Ennio Morricone, Claudia Cardinale, Martin Scorsese et Sergio Leone lui-même… Dont, décidément, il est impossible de parler au passé.