Aïssa Saïdi (Shaïn Boumedine), brillant et prometteur jeune homme, meurt noyé au cours d’un stupide « bahutage » mal encadré, au sein de l’école militaire de Saint-Cyr. Sa famille, son frère Ismaël (Karim Leklou) en tête, engage un bras de fer avec l’armée pour que les honneurs lui soient rendus lors de ses funérailles.
Le temps du film aurait pu être circonscrit à ces trop nombreux jours passés à batailler pour que le corps du défunt soit enfin dignement inhumé ; il aurait aussi pu se prolonger jusqu’à l’issue judiciaire, récente, de cette histoire vraie, mais c’est vers une temporalité beaucoup plus romanesque et ambitieuse que se tourne Pour la France. Le réalisateur Rachid Hami déroule son odyssée familiale en trois époques enchevêtrées : le présent, le passé de l’enfance en Algérie et un passé plus proche, et apaisé, entre les deux frères, à Taiwan. S’éloignant résolument des clichés, le film s’ancre dans des images signifiantes, allant jusqu’au symbolique, tout en gardant le cap de sa narration.
Venus présenter Pour la France au mois de janvier (d’où un doublement pertinent « Bonne année » final), Rachid Hami et Karim Leklou ont généreusement développé les instants pointés par l’interview minutée. Rachid Hami détaille ainsi les trois genres de récits dans lesquels il a puisé : le conte pour l’Algérie, Antigone pour la France et le cinéma d’aventures pour Taiwan. Il dit également sa volonté « d’effacer les coutures », insiste sur son désir de romanesque et sur la force des symboles. Sur une note plus légère, il raconte encore son jour de tournage le plus bizarre… Quant à Karim Leklou, ce sont les autres comédiens qu’il n’a de cesse de mettre en avant, et notamment Lubna Azabal, à qui il rend un hommage appuyé. Enfin, dans un bel unisson, les deux hommes se moquent joyeusement d’une confusion entre une canette de soda et une canette de bière, puis d’un gilet problématique imposé par Slimane Dazi.
Le système minuté
Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.