L'interview minutée de Sarah Leonor

Ceux de la nuit

D’abord, on découvre le col de Montgenèvre, situé à la frontière franco-italienne. Sur des images d’archives de tous formats, une narratrice (Françoise Lebrun) conte des histoires impressionnistes sur ce lieu de pâture, de contrebande, de tourisme… Puis sa voix est remplacée par celle d’un homme qui se remémore sa rencontre inopinée avec deux migrants perdus en pleine montagne. Le récit se resserre alors sur ces nombreux errants qui jouent leur vie en tentant de passer la frontière et sur ceux qui décident de leur porter secours. Sans que nous ne voyions ni les uns ni les autres — toujours les paysages de la montagne se dressent à l’image.

Partant d’une forme expérimentale, la réalisatrice Sarah Leonor fait confiance aux voix, aux sons, aux images — au cinéma ! — pour refléter dans son documentaire, Ceux de la nuit, une réalité occultée : « C’est ce qu’il y a dans le miroir qui m’intéresse », explique-t-elle notamment au micro de l’interview minutée.

Le système minuté

Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.