Chloé Zhao

Badlands

Le parcours de Chloé Zhao, née à Pékin, et qui a grandi à Londres avant d’étudier les sciences politiques dans le Massachusetts, sort des sentiers battus. C’est ce chemin de vie qui a incité la jeune femme à faire de l’enracinement le thème principal de son premier long-métrage, Les Chansons que mes frères m’ont apprises, en évoquant la vie de deux jeunes gens dans la réserve indienne de Pine Ridge, dans les Badlands du Dakota du Sud. Et c’est à Cannes, où son film était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, qu’elle est revenue avec nous sur le tournage hors normes d’une œuvre sensible, marquée par la révélation de deux jeunes acteurs : John Reddy et Jashaun St. John.

Comment vivez-vous ce passage à la Quinzaine, après votre sélection à Sundance ?

Je ne m’y attendais pas. De plus, le film n’était pas complètement terminé quand nous l’avons projeté à Sundance. J’ai pu le retravailler, revenir sur son montage, avant de présenter cette version. Je me sens beaucoup plus à l’aise avec elle.

Quand Forest Whitaker s’est-il impliqué dans le projet ?

Trouver des financements fut vraiment très difficile. Nous avons rencontré beaucoup de déconvenues avant que la société de Forest ne s’intéresse au film. Le projet était encore différent à cette époque, même si l’idée de base était fondamentalement la même. Mon impératif était de me lancer dans le projet, car mes acteurs principaux allaient grandir et je n’aurais pas pu travailler avec eux. Nous nous sommes lancés, sans véritable script, avec peu d’argent. La société de Forest est ensuite intervenue et nous a permis de poursuivre la production du film.

Comment avez-vous travaillé votre scénario ? Le réel a-t-il eu beaucoup d’influence sur le tournage ?

Il y avait un traitement, inspiré par des gens que je connaissais. Les grandes lignes du scénario étaient déjà là. Mais les acteurs ont apporté beaucoup d’eux, beaucoup de leurs vies. J’ai laissé sa place à l’improvisation. Si les dialogues ne fonctionnaient pas, je ne faisais pas plus de deux prises : je prenais le parti de les réécrire, pour ne pas m’éloigner de la vérité de mes personnages et de mes acteurs. Tous les matins, je réécrivais des scènes, en fonction de ce que nous avions tourné la veille. Je dirais que le film contient 50% d’improvisation et 50% de mes dialogues.

Comment avez-vous travaillé avec des acteurs professionnels et non professionnels ?

C’était quelque chose de vraiment formidable, je veux continuer à faire ça. Ça a donné une émulation des deux côtés, et ça a vraiment donné confiance aux deux comédiens principaux, John et Jashaun, de travailler avec des professionnels. C’était très beau de voir qu’à la fin du tournage, ils étaient à la fois eux-mêmes et leurs personnages.

Dans quelle mesure le cinéma de Terrence Malick vous influence-t-il ?

Je pense que c’est surtout son premier film, La Balade sauvage (Badlands), qui m’a influencée. Mais j’ai aussi été très inspirée par les films de Wong Kar-Wai, d’Harmony Korine. Ces gens m’ont donné confiance quand il a fallu que je sorte des sentiers battus, particulièrement Wong Kar-Wai. Je regarde beaucoup ses films avant de tourner. Le travail de ces cinéastes m’encourage.

Quels sont vos projets ?

Mon prochain film parlera d’une écologiste française qui se rend au Nebraska pour empêcher la construction de l’oléoduc Keystone, qui relie le Canada au Texas. Elle s’installe dans une petite ville située sur le tracé de cet oléoduc et comprend l’impact que celui-ci pourrait avoir sur la vie des habitants. Le film sera une fiction, mais encore une fois, très ancrée dans le réel. Je voudrais à nouveau associer acteurs professionnels et non professionnels.