Cannes, Terre de promesses

Vingt-deux premiers films vont se tirer la bourre, ou plutôt se stimuler les uns les autres, sur la Croisette. L’occasion d’ouvrir les yeux sur de nouveaux cinéastes et leur vision du monde. Un seul parmi dix-neuf recevra du jury, présidé par Catherine Corsini, la très convoitée Caméra d’Or.

Cannes reste l’épicentre de l’excitation cinéphilique, car il est LE festival qui concentre les grands noms et les révélations. 2016 s’annonce, une fois encore, truffé de pépites, côté cinéastes qui passent le cap du premier long-métrage. La France domine le panel avec près de dix films. Le reste de l’Europe et le Moyen-orient sont bien représentés (cinq films chacun), puis le continent américain (trois films : deux pour les États-Unis, un pour l’Argentine) et l’Asie (un seul). Mais il est de plus en plus difficile de définir un film par sa nationalité, tant les coproductions internationales fleurissent, tout comme les tournages dans des pays autres que celui de naissance du cinéaste ou de la production principale.

Le Moyen-Orient brille donc, de l’Est (Wolf and Sheep, film danois tourné en Afghanistan de Shahrbanoo Sadat, Quinzaine des Réalisateurs) à l’Ouest (Albüm, du Turc Mehmet Can Mertoglu, Semaine de la Critique). La force du cinéma est de réussir l’impossible. Elle réunit cette année, dans l’émotion, le Liban, avec Tramontane de Vatche Boulghourjian (Semaine) et Tombé du ciel de Wissam Charaf (Acid), et Israël, avec One Week and a Day d’Asaph Polonsky (Semaine) et Personal Affairs de Maha Haj (Un Certain Regard).

Trois films d’animation font saliver. D’autant plus que les deux en lice pour la Caméra d’Or ont été coécrits par des réalisatrices de talent. La Tortue rouge (Un Certain Regard) permet au brillantissime Michael Dudok de Wit de collaborer avec Pascale Ferran, et Ma vie de courgette (Quinzaine) à Claude Barras de s’associer à la plume de Céline Sciamma. Sans oublier La Jeune Fille sans mains de Sébastien Laudenbach (Acid). L’occasion d’apprécier différentes techniques : dessin, « compositing », ou pâte à modeler.

Du genre « on s’en lèche les babines », avec l’ambiance étrange et étouffante du séjour dans la campagne familiale roumaine de Dogs de Bogdan Mirica (Un Certain Regard), avec le jeune vampire new-yorkais de The Transfiguration de Michael O’Shea (Un Certain Regard), et avec les sœurs étudiantes vétérinaires du très troublant Grave de Julia Ducournau (Semaine).

Des sportifs prometteurs : un boxeur finlandais (The Happiest Day in the Life of Olli Mäki de Juho Kuosmanen, Un Certain Regard), un rugbyman français (Mercenaire de Sacha Wolff, Quinzaine) et un biopic sur Loïe Fuller (La Danseuse de Stéphanie di Giusto, Un Certain Regard). Une ado de banlieue amoureuse d’un danseur (Divines de Houda Benyamina, Quinzaine). Des combats de survie, de l’Argentine d’hier (La Longue Nuit de Francisco Sanctis de Francisco Marquez & Andrea Testa, Un Certain Regard) à Singapour aujourd’hui (A Yellow Bird de K. Rajagopal, Semaine). Les premiers longs d’un acteur (La Forêt de Quinconces de Grégoire Leprince-Ringuet) et d’un écrivain (Wrong Elements de Jonathan Littell) (Sélection officielle, séances spéciales).

Enfin, deux ovnis. Apnée (Semaine), où le metteur en scène de théâtre Jean-Christophe Meurisse suit sa troupe des Chiens de Navarre dans des tableaux reliés par un esprit libertaire et un regard frontal et décapant sur la société. Willy 1er (Acid), où Ludovic & Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas filment un cinquantenaire bedonnant, en plein bouleversement existentiel à la mort de son jumeau.