Le nouveau fantasme de João Pedro Rodrigues démarre comme un documentaire sur la faune volatile, avec un jeune ornithologue observant des cigognes noires. Puis, au fur et à mesure que le héros dérive sur l’eau, l’œuvre gagne la fable et le fantastique. Passé la surprise d’entendre l’acteur français Paul Hamy doublé en portugais, on reste collé à ses basques. Le récit fait corps avec le sien, avec ce qu’il vit, écoute, observe et endure. Son périple initiatique l’emmène sur des sentiers où la menace plane, sous l’œil d’un grand duc ou de rapaces. Un duo de Chinoises en route pour Compostelle. Des esprits de la forêt déchaînés dans la nuit. Des amazones de passage dans les bois. Le film est une parabole sur le saint de Padoue. Sa vie, sa légende. « J’ai eu envie de voir comment ce saint Antoine vivait en moi », dit Rodrigues. Une revisite libre, blasphématoire, assumée, fascinante, d’Antoine alias Fernando, son prénom de naissance, figure importante au Portugal, que le cinéaste illustra déjà par son court-métrage Matin de la Saint-Antoine (2012). Sa maestria capte avec majesté nature, vallée, canyon. Avec malice schizophrène, il ose le dédoublement, en incarnant lui-même l’autre Antoine, celui que les animaux voient. Une vision baroque, vertigineuse, alliant martyre et bondage, et étreinte avec un jeune Jésus. Le païen tutoie le sacré dans un mariage décapant, qui a remporté le prix de la mise en scène en août à Locarno.