Marguerite

Le regard des autres

Elle s’appelle Marguerite comme dans Faust, l’opéra de Gounod, et, oui, elle « rit de se voir si belle en ce miroir ». Un miroir faussé, biaisé, biseauté. Cette riche baronne, passionnée de musique, s’exerce âprement pour chaque concert lyrique qu’elle donne devant la bonne société parisienne des années 1920. Elle est la seule à ignorer qu’elle est une pathétique casserole… Xavier Giannoli a souvent observé le mensonge et l’imposture (volontaires ou non). Des vies passées à se croire qui on n’est pas : vedette, alors qu’on est chanteur de bal populaire (Quand j’étais chanteur), entrepreneur, alors qu’on est un escroc sans le sou (À l’origine). Ici, il va encore plus loin en mettant en scène cette femme habitée, inspirée d’un personnage réel, vivant dans une bulle, préservée par un aréopage de serviteurs dévoués, d’auditeurs riant sous cape, d’artistes d’avant-garde la trouvant hilarante et sublime et d’un mari gêné mais aimant.

La question du regard des autres est ici étendue aux personnages secondaires – l’époux, le journaliste, la jeune cantatrice –, qui ne voient pas non plus ce que tout le monde sait d’eux. La reconstitution fastueuse mais délicate, l’image dense et douce à la fois signée Glynn Speeckaert, confèrent à ce drame gai une puissance visuelle originale. Catherine Frot, habitée et bouleversante, est exceptionnelle dans ce rôle sur le fil. Cocasse, souvent. Tragique, toujours.