Whitney

Mirage de la vie

Après Marley, Kevin MacDonald livre un nouveau documentaire sur une icône de la musique. Sa maestria empoigne le réel, les images et les mots pour mieux les sonder. En ressort l’essence d’une vie bouleversante, celle d’une femme nommée Whitney Houston.

Lancé hors compétition à Cannes en mai dernier, Whitney n’était pas un projet d’emblée séduisant pour Kevin MacDonald. L’Écossais, documentariste venu ensuite à la fiction, n’était pas un grand fan de la chanteuse. C’est ce qui a plu à l’initiatrice de l’aventure, la productrice Lisa Erspamer. Il lui fallait convaincre un réalisateur doué et sachant avoir un point de vue, pour ne pas créer qu’une hagiographie. D’autant plus que le clan Houston a rapidement rejoint la bande. La belle-sœur de la star et exécutrice testamentaire de sa succession, Pat Houston, a ouvert ses archives, son carnet d’adresse et a été promue productrice déléguée. MacDonald a cette fois posé ses conditions : garder sa liberté créatrice et ne pas faire un film officiel édulcoré.

Bingo ! Whitney est un portrait saisissant. La part biographique révèle sa dimension sociologique, liée à l’évolution de l’Amérique des années 1960 à 2000. Mais surtout, elle est doublée d’une étude de personnalité passionnante. Cette femme, qui a gravi jeune les marches de la gloire et s’est épanouie sous les sunlights, avant de dégringoler de son piédestal médiatique, se révèle un être complexe. Whitney Houston, 1963-2012. Star à vingt-et-un ans ; morte à quarante-huit. Des records de ventes et de classements aux billboards…. Ce qu’on apprend d’elle : un être meurtri depuis l’enfance. Et ce qu’on comprend : une créature prise en étau entre ascension et déterminisme. Sur le papier, la liste des traumas, coups d’éclat et scoops pour tabloïds foisonne. Le documentaire envoie balader le sensationnalisme, et c’est tant mieux.

MacDonald excelle par son talent d’accoucheur et de conteur. Les interviews s’enchaînent et en disent beaucoup, dans les mots prononcés comme entre les lignes. Les images d’archives et vidéos privées racontent aussi les multiples facettes de la Princess of Pop. Leur enchaînement est subtil dans la gradation du creusement de la psyché de Whitney. Son magnétisme inné. Sa candeur mêlée d’inquiétude. Ses fêlures, manques et addictions. Une personne, pourtant essentielle, ne témoigne pas, mais elle a fourni certaines de ses images. Robyn Crawford, complice de longue date et ex-amoureuse de la star, dont elle a été écartée, prépare son propre livre, sa propre version. Elle est le chaînon manquant de cette épopée tragique et poignante.