La Vérité

Sonate d’automne

Joli cadeau de Noël que la sortie du nouvel opus signé Hirokazu Kore-eda. Le réalisateur palmé se délecte avec ce portrait de deux femmes, entre ironie et émotion, filmé loin de chez lui, dans notre Hexagone cinéphile.

Une œuvre née de l’envie des autres. Pour sa première expérience à l’étranger et en langue étrangère, le cinéaste nippon a transposé l’idée d’une pièce sur une actrice vieillissante, en film sur la relation entre une star de cinéma et sa fille qui a renoncé à l’actorat, pour devenir scénariste, loin de la première. Juliette Binoche l’avait sollicité, il a répondu à ses avances artistiques. Puis il a approché Catherine Deneuve pour camper l’aînée. Doublé inédit et savoureux. Associer deux actrices phares d’un même pays, et icônes du 7e art, pour camper un duo mère/fille autour du jeu, de la vérité et du mensonge, est à la fois audacieux, évident, et casse-gueule. L’auteur s’en sort avec subtilité et brio. Une fois de plus.

Son goût pour les récits familiaux et l’étude de ce qu’est le lien et de comment on le vit, ensemble ou séparés, s’enrichit encore. Nobody Knows ; Tel père, tel fils ; Notre petite sœur et Une affaire de famille illuminent notamment sa peinture filmique sur ce thème. Dans La Vérité, l’ironie abonde. Parfois féroce, grâce au personnage central de Fabienne. Une star à l’ego rayonnant, qui égratigne avec un malin plaisir toutes celles et tous ceux qu’elle croise sur son chemin. Elle ne doit rien à personne, ne se prive pas de le faire savoir et enjolive tout à son avantage. Un ressort dramatique et comique à la fois, et dont le dosage séduit. Car les autres caractères trinquent, fuient ou se rebellent. Un rôle en or pour Deneuve, qui a déjà exploré l’humour avec succès, de la vélocité chez Rappeneau (Le Sauvage) à la revanche chez Ozon (Potiche), en passant par le pastiche chez Lemercier (Palais Royal !).

Un savant travail sur les teintes automnales nourrit les images d’Éric Gautier, qui  donnent à l’affrontement filial féminin la saveur d’un hommage à Sonate d’automne d’Ingmar Bergman. Ici, la fille n’est pas aussi brisée et la causticité reste essentielle, même quand l’émotion surgit. La passation se fait aussi avec un personnage de petite-fille, qui adoucit la lignée et nourrit l’aventure d’un regard sur les adultes. Les femmes mènent et les hommes suivent. Pour Kore-eda, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, mais autant les assumer si elles sortent. Quoi de mieux que des expertes en science du mensonge pour l’incarner. Sacrément malin !