Southern Belle

La belle oiseuse

Grand prix de la compétition française au FID, le documentaire Southern Belle de Nicolas Peduzzi captive l’auditoire dès son introduction solennelle sur fond noir : « A seulement 14 ans, Taelor R. hérite de l’immense fortune de son père »…

Plan suivant, 12 ans plus tard, la blonde du Texas surgit sur des plateformes shoes, en veste tricot Channel à damier rose au-dessus d’une jupe courte, blanche et légère qui dévoile de longues jambes dénudées. Elle est devancée par un épagneul nain qui frétille de la queue en faisant le tour d’une propriété, la réplique exacte de la Maison-Blanche dont seuls les nouveaux riches ont le secret, un nid d’enfance pour Taelor, dont elle a dû se séparer. Cette dernière parle vite et sans atermoiement, sa franchise est telle une seconde peau. Le spectateur apprendra vite moult détails sur la disparition de son père (mort en s’envoyant en l’air) et sur cet héritage dérobé, estimé à 500 millions de dollars, devenu l’enjeu d’une procédure judiciaire interminable… Qu’importe, Taelor laisse l’imbroglio à sa mère (dont elle ne veut d’ailleurs plus de nouvelles), préférant la fête, la picole et la défonce entre amis. Ambiance.

Southern Belle de Nicolas Peduzzi. Copyright Septième Factory.

Dans ce film qui navigue entre réalité brute et sensation d’hallucinations où il est impossible d’évacuer le fantôme de Donald Trump, le spectateur s’écrase le nez sur la façade outrageusement décadente de l’Amérique blanche contemporaine. L’argent, le pouvoir, l’alcool, la dope et les armes sont prétextes à décrire la vacuité de l’existence dans des situations aussi ridicules qu’angoissantes. Le réalisateur a été l’amant de Taelor dix ans plus tôt et, lui confiant la co-écriture du film grâce au récit qu’elle fait de sa propre histoire, il est dans une empathie permanente avec elle. Par la proximité d’une caméra à l’épaule, il examine principalement la collision de la protagoniste avec les autres, un oncle a moitié fou, un petit copain armé quasi décérébré, les acteurs en somme d’un théâtre extrémiste proche de l’univers déviant de David Lynch, où les clichés les plus éculés sont démesurés et les frontières de l’impudeur, toutes abolies. Glaçant et lancinant.