Sibel

La tête haute

Un petit bijou né dans un village isolé de Turquie. Une fable progressiste. Un périple vivifiant. Et la confirmation d’un sacré univers à deux têtes, celles de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti !

Si belle Sibel. Beauté farouche, magnétisme dingue, dus en premier lieu à l’actrice Damla Sönmez, trentenaire vedette turque de cinéma et de télévision, remarquée en festivals internationaux avec le drame Bornova Bornova d’Inan Temelkuran (2009) et la chronique romantique Across The Sea de Nisan Dag et Esra Saydam (2014), inédits en France. Ce film devrait élargir sa renommée et sa reconnaissance. Elle donne corps et vie à un personnage qui siffle pour tout dialogue, langue de la véritable bourgade qui sert de décor. Un être finement dessiné par le duo Çagla Zencirci-Guillaume Giovanetti, couple franco-turc dont c’est le troisième long-métrage, après Noor (2014) et Ningen (2015), ce dernier tourné au Japon. L’immersion fait partie intégrante de leur processus de création.

Ici, un portrait de femme, d’un village, d’un monde. Un univers où les êtres subissent puissamment la suprématie du patriarcat, du qu’en-dira-t-on, et de la jalousie féminine, justement quand la singularité est trop voyante. Car l’héroïne titre est muette. Un handicap qui la sauve depuis l’enfance du déterminisme des filles, promises au mariage vite fait bien fait. Mais son affirmation de donzelle de vingt-cinq ans dérange soudain quand elle porte secours à un homme, inconnu du coin. Elle voit enfin le loup, elle qui traque justement la bête homonyme, annoncée menaçante dans les environs, pour marquer son action et gagner en respectabilité.

Le regard des cinéastes sur ces terres de la mer Noire, au nord-est de la Turquie, est rempli d’une bienveillance sans chichis, née de leur expérience documentaire. Privilégier l’authenticité pour mieux créer de la fiction. Mélanger des interprètes professionnels à des partenaires sans expérience. Suivre une comédienne en lui collant au souffle, au corps, au geste. Récompensé à Locarno, Hambourg, Montpellier, et par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma aux Rencontres Cinématographiques de Cannes, cette épopée sur la témérité brille par son esprit vif. Par son ampleur humaine. Un jaillissement lumineux dans cette fin d’hiver.