Si tu es un homme de Simon Panay

L’enfance sacrifiée 

Documentaire âpre sur le destin d’un jeune garçon condamné à creuser les entrailles de la terre pour dénicher des miettes d’or, Si tu es un homme de Simon Panay nous confronte autant à la cruauté de ce monde qu’à la terrible innocence de ceux qui se savent abandonnés par leurs aînés.

Dès l’ouverture du film, nous sommes au plus près d’Opio, jeune garçon au regard tristement farouche. Il est le fil rouge de ce documentaire précis et sans concession sur les réalités des orpailleurs. Sauf qu’ici, nous sommes non pas avec des adultes, mais avec de tout jeunes garçons, parfois âgés d’une dizaine d’années, contraints de creuser la terre à la recherche de pathétiques miettes d’or.

Pathétiques, car l’écart est d’une funeste réalité entre la promesse de jours meilleurs et la réalité la plus obtuse. Le réel ne cesse de se rappeler à chaque instant pour tous. Pour nous spectateurs, pris dans l’intrigue et la si naïve et désespérante espérance – va-t-il réussir à réunir l’argent nécessaire pour son inscription à l’école ? -, mais surtout pour ce jeune garçon. En effet, malgré son obstination, il ne peut que constater l’échec de ses tentatives pour s’affranchir de l’enfer.

Si tu es un homme de Simon Patay. Copyright JHR Films.

Lorsque nous découvrons la réalité dans laquelle vit Opio, il n’a pas encore franchi le pas de descendre dans la mine, à plus de deux cent cinquante mètres de profondeur. La norme est celle d’une société où la majorité des enfants travaillent pour survivre, que ce soit au Burkina Faso dans la mine d’or de Perkoa pour le jeune garçon et ses camarades, ou comme dans de trop nombreux pays de par le monde. Opio est au sortir de l’enfance, pas encore adolescent et certainement pas un adulte. Or, tout son entourage, à commencer par son père, le traite comme une personne capable de prendre de graves décisions.

Les pères ont, de tout temps, sacrifié leurs enfants. Des mythes grecs aux pires réalités contemporaines de la domination, l’enfant paye de sa vie cette puissance sacrificielle. L’enfance meurtrie et abandonnée ne relève ni d’une culture ou d’un territoire spécifique, elle est l’expression la plus dénudée de la violence à l’œuvre au cœur de la vie.

Sommé par son père de trouver l’argent par lui-même afin d’être admis dans l’école de soudure, l’équivalent de cinquante-trois euros, Opio ne peut échapper à son destin. Casser les cailloux comme il le fait depuis longtemps ne suffit plus. Il doit franchir le pas. C’est alors que nous suivons, effarés, sa lente descente dans les limbes de la terre, où, agrippé à la corde, il ne sait que chanter pour tenter de conjurer sa légitime terreur. C’est toute la tragique beauté de ce film qui, par éclats, se mesure à l’impensable et l’irréconciliable.