Cannes 2018 : Plaire, aimer et courir vite

Regarde les hommes tomber

Christophe Honoré fait ressurgir des fantômes du début des années 1990. Alors que les premiers ravages du sida se font sentir, il tisse les liens amoureux et sensibles qui unissent ses héros avec une séduisante délicatesse.

C’est l’une des plus belles rencontres amoureuses jamais filmées pour le grand écran : dans une salle rennaise où est projeté La Leçon de piano de Jane Campion, un écrivain parisien et un étudiant breton font connaissance. Même humour, même sensibilité, quelque chose dans leurs mots et dans la prosodie de leur voix dit immédiatement que ces deux-là pourraient s’entendre et même mener « une belle vie » ensemble. Mais l’un est malade du sida et cette romance qui débute est, de fait, condamnée à court terme.

Dans cette séquence, les visages sont filmés de profil, de part et d’autre de l’écran. L’image de Jane Campion défile à l’arrière-plan, la musique de Michael Nyman fait renaître le souvenir d’une époque, et à travers cette évocation, c’est aussi une déclaration d’amour au cinéma (à l’art et à la salle) qui se fait entendre.

Plaire, aimer et courir vite est sans doute l’un des films les plus personnels et les plus chavirants de Christophe Honoré. Le réalisateur des Chansons d’amour parvient à trouver l’équilibre fragile entre gravité et légèreté, désamorce la tragédie annoncée par des séquences cocasses et émouvantes – une chorégraphie, un strip-tease musical, une démarche burlesque (Denis Podalydès est très drôle quand il accélère soudain le pas, en caleçon dans son parking). S’y déploient l’évidence de l’amour et la nécessité de la joie malgré tout.

Le couple Pierre Deladonchamps/Vincent Lacoste fonctionne idéalement. On croit dur comme fer à l’énergie soudaine qui les relie. Ils sont les parfaits interprètes d’une partition d’une grande musicalité, mélancolique et gracieuse.