Les Folies fermières

De l'opiniâtreté comme survie

Un agriculteur en détresse tente de sauver sa ferme en montant un spectacle de cabaret.

Jean-Pierre Améris est un cinéaste éclectique. Il porte volontiers à l’écran aussi bien un roman de Victor Hugo (L’homme qui rit, 2012) que d’Anne Wiazemsky (Je m’appelle Élisabeth, 2006). Il peut aussi s’inspirer d’un simple fait divers (Les Aveux de l’innocent, 1996), passer au scalpel un état psychologique très handicapant (Les Émotifs anonymes, 2010), avoir l’audace de marier la mort annoncée avec l’amour éphémère (C’est la vie, 2001), mais également se pencher sur des problèmes dramatiques contemporains, comme l’immigration clandestine dans le nord de la France (Maman est folle, téléfilm, 2007). C’est à nouveau dans le domaine douloureux actuel qu’il a conçu son dernier film, aidé au scénario par les écrivaines et scénaristes Marion Michau, Murielle Magellan et le réalisateur Jean-Luc Gaget.

Les Folies fermières raconte l’histoire d’un paysan dans l’incapacité de payer ses nombreuses dettes, qui, à la vue d’un spectacle de cabaret itinérant, a l’idée d’en monter un dans sa ferme. Il convainc une danseuse licenciée et revêche de l’aider dans cette entreprise insensée. Ils recrutent, tant bien que mal, des volontaires de la région et se lancent, avec une opiniâtreté folle, dans l’aventure. La genèse du film est due au regard que Jean-Pierre Améris a porté, en 2018, sur un reportage de France 3 consacré à un fermier du Tarn, David Camelle, qui, entre 2013 et 2017, avec sa femme, a multiplié les activités (agriculteur le matin, boucher-charcutier l’après-midi et artiste paysan le soir) pour sauver son exploitation. Ainsi sont nées ces « folies fermières », où les gens des environs pouvaient – et peuvent encore – à la fois consommer les produits locaux et assister à un spectacle, composé de tours de magie, de danse voltige, d’imitations… Agrémenté d’apports narratifs fictifs, qui associent l’humour (certains dialogues sont désopilants), le talent (un imitateur de poule hilarant) et surtout l’humanisme (les personnages apprennent à surmonter leur ego pour ne pas entraver le projet), le film, dont l’action est transférée dans le Cantal, emporte rapidement notre adhésion.

Copyright Caroline Bottaro

Dotée d’un scénario solidement structuré, cette treizième réalisation pour le grand écran d’Améris est réalisée dans un style fonctionnel parfait, dans lequel les plans larges dominent et donnent la vedette à l’effort collectif, montée avec un rythme très soutenu (par Anne Souriau, sa troisième collaboration avec le cinéaste après Je vais mieux, 2017, et Profession du père, 2020) et brillamment interprétée de bout en bout par l’ensemble d’un casting fort bien choisi. Ce « feel good movie » à la française est une belle contribution à la lutte menée contre le mal-être du monde agricole, mais aussi contre l’atmosphère de plus en plus morose de notre société du moment.

 

Michel Cieutat