« POTUS » vu par Hollywood

Le nom de code télégraphique du « President of the United States », forgé en 1895, est peu connu des Français, de même que l’iconographie propre au chef de l’exécutif américain due à Hollywood et à la télévision. Dans la Constitution de 1787, ce dernier n’est mentionné qu’en troisième position, après les deux puissances législatives, la Chambre des représentants et le Sénat. Cela afin d’éviter tout dérapage tyrannique au sein d’une nation où seul le peuple est roi. Hollywood a par conséquent brossé un portrait du « POTUS » comme étant le premier représentant du peuple, dont tout éventuel débordement de pouvoir peut être contrecarré à la fois par le Congrès et la Cour suprême.

 

L’incarnation première de la démocratie

 

Contrairement au palais de l’Élysée, l’accès à la Maison-Blanche, au pays de l’égalité des chances et de l’individualisme, est possible pour tous. Comme l’affirme, peu après la naissance du protagoniste, le carton de La Foule (The Crowd, King Vidor, 1928) : « Johnny Sims atteignit l’âge de douze ans. Il récitait de la poésie, jouait du piano et chantait dans une chorale… de même que Lincoln et Washington ! ». Ainsi un obscur avocat de l’Illinois (Abraham Lincoln en 1860 et 1864) ou un petit producteur de cacahuètes de Géorgie (Jimmy Carter en 1976) ont-il pu confirmer que quiconque né aux U.S.A. peut briguer l’investiture présidentielle. Hollywood a nettement privilégié deux des plus grands présidents américains, l’un issu du peuple, Lincoln, l’autre, d’une famille patricienne, Franklin Delano Roosevelt. Le premier, représenté plus de trois cents fois entre 1903 (Uncle Tom’s Cabin, Edwin S. Porter) et 2012 (Lincoln, Steven Spielberg), est l’incarnation même du self-made man transformé en Christ figure, qui se sacrifie au nom de l’abolition de l’esclavage (1862) et du sauvetage de l’Union, à l’issue de la guerre de Sécession (1865). Le second, dans un nombre de films très limité, s’est vu, lui aussi, auréolé du concept de sauveur, de manière très directe par James Cagney dans La Glorieuse Parade (Yankee Doodle Dandy, Michael Curtiz, 1942) et très symboliquement par Walter Huston dans Gabriel Over the White House (Gregory La Cava, 1933). Mais, fait foncièrement démocratique, si le peuple américain accepte, de temps à autre, de voir un acteur connu jouer un président célèbre (Charlton Heston, par deux fois Andrew Jackson dans Le Général invincible/The President’s Lady, Henry Levin, 1953, puis dans Les Boucaniers/The Buccaneers, Anthony Quinn, 1958), il préfère de loin voir la fonction, certes toujours incarnée par une vedette, plutôt mise dans les mains d’un président relevant de la fiction. Il peut alors être confronté à des conflits spectaculaires, réels ou imaginaires, comme le péril nucléaire (Henry Fonda dans Point limite/Fail Safe, Sidney Lumet, 1964), la psychose d’un coup d’état militaire (Fredric March dans Sept Jours en mai/Seven Days in May, John Frankenheimer, 1964), l’éventualité d’un assassinat qui, depuis celui de John F. Kennedy en 1963, a fait l’objet de plusieurs films attestant la possibilité d’un complot mettant en péril l’idéal démocratique (Executive Action, David Miller, 1973 ; JFK, Oliver Stone, 1991), sans oublier la possibilité d’une attaque d’extraterrestres (Independence Day : Résurgence, Roland Emmerich, 2016).

Désacralisation

 

Si la responsabilité politique internationale du « POTUS » a connu un essor considérable à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale (Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson), en revanche son image de marque s’est détériorée avec la paranoïa et les mensonges de Richard M. Nixon (Secret Honor, Robert Altman, 1984 ; Nixon, Oliver Stone, 1995), l’incompétence notoire de Gerald Ford, la trop grande candeur de Jimmy Carter et les turpitudes de Bill Clinton. Et si Ronald Reagan et la famille Bush ont contribué au maintien de la crédibilité ancestrale des Républicains, cela ne suffisait pas pour redorer le blason de l’occupant du bureau ovale. D’où, à l’écran, une succession de films dans lesquels le président est mis à mal, comme auteur de frasques et victime d’une attaque cérébrale, qui entraîne son remplacement par un sosie beaucoup plus intègre (Kevin Kline dans Président d’un jour/Dave, Ivan Reitman, 1993), puis qui se retrouve réduit à une dimension plus sentimentale, veuf attiré par une très efficace lobbyiste écologique (Michael Douglas et Annette Bening dans Le Président et Miss Wade/The American President, Rob Reiner, 1995). Il redevient lubrique (Michael Belson dans Des hommes d’influence/Wag the Dog, Barry Levinson, 1997) et fait preuve de beaucoup de faiblesse devant une invasion d’aliens (Jack Nicholson dans Mars Attacks !, Tim Burton, 1996)… Image déplorable, vite redressée par Bill Pullman dans Independence Day/Le Jour de la riposte (Roland Emmerich, 1996) où il pilote lui-même un avion de chasse lancé contre les vaisseaux d’autres extraterrestres, puis par Harrison Ford, qui, pris en otage avec sa famille dans l’avion présidentiel, parvient à anéantir ses ravisseurs dans Air Force One (Wolfgang Petersen, 1997). Redressement musclé d’une image, quelque peu coupé de toute réalité.

Renouveau progressiste

 

Soucieux de conserver au pouvoir exécutif une plus grande considération, producteurs et scénaristes du grand comme du petit écran, se sont efforcés, depuis la fin des années 1990, de jouer la carte de la singularité progressiste. Ainsi le rôle du président a-t-il été confié à deux acteurs afro-américains (Morgan Freeman dans Deep Impact, Mimi Leder, 1998, et Dennis Haysbert dans la série 24 Heures chrono, 2004-09), puis à deux femmes (Geena Davis et Mary McDonnell, respectivement dans les séries Commander in Chief, 2005-06, et Battlestar Galactica, 2004-09). Des président(e)s confronté(e)s à des problèmes tantôt toujours irréalistes, tantôt très contemporains, la palme du réalisme revenant à la brillante série À la Maison-Blanche/(The West Wing, 1999-2006), en grande partie écrite par Aaron Sorkin, qui montre dans ses moindres détails la vie et le travail incombant au président (Martin Sheen) et à ses collaborateurs les plus proches. Un président humain, trop humain, avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses, qui passionna le public tout au long des sept saisons de la série, période correspondant en grande partie à l’exercice de la fonction par le néoconservateur George W. Bush, au comportement perçu comme le plus humain possible lors de l’attentat du 11 septembre 2001 à New York. Un président, Josiah Bartlet, alors aux antipodes de ce que la fonction allait devenir quand elle se retrouva la propriété du plus grand imbécile de l’histoire politique des États-Unis ayant habité au n°1600 de la Pennsylvania Avenue de Washington D.C..