Gloria Bell

Cinquante ans et quelques

Portrait de femme d’aujourd’hui par le Chilien Sebastián Lelio, qui, après Gloria (2013), signe aux États-Unis cet auto-remake, Gloria Bell. Et bénéficie comme dans l’original d’une interprète fantastique, Julianne Moore.

Il est toujours étrange de voir un réalisateur refaire, à quelques années d’écart, un film déjà tourné par lui-même. De Alfred Hitchcock (L’Homme qui en savait trop, en 1934, puis 1956) à Michael Haneke (Funny Games, en 1997, puis Funny Games U.S. en 2007), en passant par Leo McCarey (Elle et lui en 1939, puis 1957), les exemples d’ « auto-remakes » sont nombreux et passionnants.

C’est l’histoire d’une femme mûre, séparée de son mari, mère de deux grands enfants et même grand-mère depuis peu, affrontant une solitude presque inéluctable, mais aimant rire et danser et mettant toutes les chances de son côté pour profiter de la vie. Elle rencontre dans un night-club un homme séduisant qui pourrait bien être idéal, s’il n’était, lui, incapable de faire des choix…

Il est étonnant de voir à quel point les deux films sont semblables, malgré quelques différences. En passant de Santiago à Los Angeles, l’histoire perd un peu en exotisme et devient peut-être plus lisse. La complexité du personnage de Gloria, interprétée dans le premier film par l’épatante Paulina García (Brooklyn Village, La Fiancée du désert), actrice au charme fou assumant rides et rondeurs, est, au premier abord, moins probante dans ce deuxième opus.

Il faut dire que Julianne Moore porte haut et fort ses cinquante-huit ans, que sa silhouette longiligne épouse divinement les rythmes disco des chansons qu’affectionne la femme qu’elle incarne. Bref, sa Gloria a tout pour elle. Mais peu à peu, par le jeu subtil de l’actrice, sa mélancolie et sa fougue, apparaissent les véritables enjeux. Une volonté farouche d’être (et pas seulement paraître). Une nécessité vitale de ne (plus) jamais se dévaloriser.

Entre Gloria et Gloria Bell, Sebastián Lelio a conquis l’Amérique avec Une femme fantastique (Oscar du meilleur film étranger 2018) et son héroïne transgenre, il a déjoué les pronostics avec Désobéissance ou les retrouvailles de deux femmes dans le milieu juif orthodoxe new-yorkais. Deux films où l’affirmation de la différence est difficile à vivre. Ses deux Gloria mènent un combat plus classique, mais pas moins essentiel. Puisqu’il s’agit pour toutes ces femmes, dont Lelio se fait le portraitiste sensible, d’assumer la liberté pleine et entière d’être qui elles sont.