Alice T.

Rebelle, rebelle

Une adolescente rebelle attend un enfant. Sa mère adoptive accepte de devenir grand-mère, et les liens se resserrent entre les deux femmes. Mais Alice est-elle prête à être mère ?

C’est l’histoire d’une fille de seize ans, aux cheveux rouges et à la colère tenace. Au premier plan, elle soutire à son amant l’argent nécessaire à un avortement. Au deuxième, elle se dispute avec sa mère adoptive, qui lui a pris son téléphone et, découvrant qu’elle est enceinte et a décidé de garder l’enfant, exige la preuve de la grossesse dans une longue bataille filmée en continu entre la chambre de l’adolescente, le salon et la salle de bains.

L’art du réalisateur roumain Radu Muntean (Boogie, Mardi après Noël, L’Étage du dessous) est ici, en quelques minutes homériques, totalement foudroyant. On est ferrés. Mais Alice, rebelle et colérique ne cesse de nous désarçonner, comme elle désarçonne sa mère et son entourage. Elle rate l’école le plus souvent possible ; lorsqu’elle s’y rend, elle insulte ses professeurs, castagne ses copines de classe… Surtout, elle n’a pas du tout décidé de garder l’enfant et se procure des pilules abortives, qui font leur effet alors qu’elle sèche l’école avec une amie et regarde chez celle-ci un film à la télévision. Sa réaction lorsqu’elle réalise que les saignements ont commencé est de l’ordre de la désinvolture ravageuse…

Après cet épisode, elle continue de prétendre être enceinte et se rapproche de sa mère, et même de son père qu’elle rejoint en vacances… Incontrôlable, elle joue avec les sentiments de tous, jette son dévolu sur un jeune homme qui la rejette, car il est marié, ment sans cesse et à tout le monde.

Alice T. de Radu Muntean. Copyright Vlad Cioplea.

Malgré la vitalité remarquable de la jeune débutante Andra Guti (prix d’interprétation à Locarno en 2018), le personnage d’Alice, quel que soit le côté du miroir qu’elle choisit, nous reste opaque. Difficile de la suivre, impossible de l’aimer. C’est là que le film atteint sa limite. C’est d’autant plus dommage qu’il y a dans Alice T. des moments de cinéma qui subjuguent, une capacité à saisir l’instant, comme lorsque, dans un des rares moments de paix, trois générations de femmes, la grand-mère, la mère et la fille, allongées sur un lit, regardent des photos et, complices et joyeuses, se racontent des histoires. Le casting est impeccable, avec une mention spéciale à celle qui incarne la mère d’Alice, Mihaela Sirbu, déjà repérée chez Corneliu Porumboiu (Métabolisme, ou quand le soir tombe sur Bucarest) et Radu Jude (Papa vient dimanche). Mais Alice T. traite trop de sujets à la fois : l’adoption, le divorce, la grossesse, l’adolescence. Il malmène le spectateur et le perd en route, à force de mal aimer son héroïne peu aimable. La scène finale, comme un cheveu sur la soupe, ne rachète rien.