Girl

Un ange danse

Girl, premier long-métrage du Belge Lukas Dhont, a quitté le dernier festival de Cannes avec une succession de prix : Caméra d’or (qui récompense un premier film), Prix de la Fipresci (prix de la critique internationale), Queer Palm, Prix d’interprétation à Un Certain Regard pour le jeune Victor Polster. L’un des plus beaux films de l’année.

C’est un visage qui fascine et qui reste en mémoire. Celui de Lara, jeune danseuse de 15 ans née garçon et prête à tout pour devenir fille et ballerine professionnelle. Lara est belle comme le jour, chevelure d’ondine, yeux bleu azur, lèvres ourlées, son visage d’ange dissimule un courage et une détermination sans bornes. Elle a déménagé en terres flamandes avec son père et son petit frère de 6 ans. C’est là qu’elle espère être opérée, vivre une puberté féminine et devenir étoile. Alors elle plie son corps, cache son pénis à grand renfort de scotch, travaille ses pointes (apanage des danseuses filles qui débutent l’exercice bien plus jeunes), tourne, tourne et tourne encore sous le regard d’une professeur intransigeante.

Girl de Lukas Dhont. Copyright Diaphana Distribution.

Le réalisateur belge Lukas Dhont, auteur de plusieurs courts-métrages (dont L’Infini, nommé aux Oscars en 2015) et passionné de danse, filme Lara avec une rigueur documentaire et un sens esthétique remarquable. Ses images claires, lumineuses, stimulent le regard du spectateur, sa ligne narrative est tendue comme un fil, ses dialogues sonnent juste (beaucoup sont improvisés), et les personnages sont tous dessinés avec précision (le père, compréhensif et investi, que joue Arieh Worthalter, est formidable).

La révélation, sidérante, du film se nomme Victor Polster. Girl est son premier rôle pour le cinéma. Danseur professionnel, il a été formé à l’École Royale de Ballet d’Anvers. Ce qu’il fait dans Girl suscite l’admiration. D’un naturel confondant, à la fois sobre et en relief, il épouse les contours de Lara et lui offre une grâce qui irradie à l’image et au son. Tout fascine chez lui : sa beauté androgyne, sa voix entre deux âges, entre deux sexes, sa force de caractère et le mystère qui l’entoure – comment cette âme féminine a-t-elle pu se retrouver dans ce corps-là ? Cette héroïne trans est inoubliable.