Cherchez la femme

Comédie gonflée

Il faut avouer que, souvent, on regrette que le cinéma français soit un peu frileux. Frileux dans ses thèmes, frileux dans son traitement… Et puis voilà qu’on nous fait mentir et qu’on en redemande. Avec Cherchez la femme, Sou Abadi prouve qu’on peut être politiquement incorrect et traiter tous les sujets par le rire, même – et surtout – quand ils sont dramatiques.

Armand et Leila sont bien dans leur vie et bien dans leurs baskets. Le jeune couple a décidé, pour valider leur dernière année à Sciences Po, de partir à New York faire leur stage de fin d’études. Un rêve.
Qui vire au cauchemar quand Mahmoud, le frère de Leila, revient d’un long séjour à l’étranger avec barbe et idéaux particulièrement rétrogrades. Poussé par ses amis, Armand joue la carte du subterfuge pour tenter d’exfiltrer Leila : il enfile un voile intégral. Mais celle qu’il devient alors, Shéhérazade, ne laisse pas indifférent Mahmoud.

Cherchez la femme est donc une comédie acerbe sur l’islamisme radical et le voile intégral. Rien que ça. Et le pire ? C’est que c’est réussi.
La réalisatrice, iranienne d’origine, a choisi le rire. Le rire vrai, franc, honnête, qui n’épargne personne. Il n’épargne pas le frère revenu ultrareligieux, ni le converti qu’on continue à appeler Fabrice, et encore moins les parents d’Armand, vieux révolutionnaires iraniens un peu dépassés par cette société actuelle, mais qui n’hésitent pas à jouer avec ses codes.
Certes, parfois c’est un peu simpliste, mais globalement, tout ça fait mouche.
Les acteurs, de Camélia Jordana à Félix Moati, en passant par un étonnant William Leghbil en Mahmoud, sont au plus juste de leur jeunesse et de leur énergie.
On aime et on leur pardonne volontiers quelques moments de faiblesse, quelques facilités de scénario…

Alors non, le film n’est parfois pas réaliste (voire carrément « too much »), mais pourquoi pas ? Pourquoi se priver de « grosse comédie » ?, semble nous demander Sou Abadi. Parce qu’on aborde l’extrémisme religieux ? Mais Sou Abadi a la finesse de faire la différence entre les interprétations abusives et la « vraie » foi. Alors quoi ?
Parce qu’un sujet est grave, on ne pourrait pas le traiter par l’absurde ? Ce serait faire trop d’honneur à quelques fous qui voudraient nous l’interdire, non ?
Et pourquoi alors la comédie devient-elle « politique », voire « polémique », quand elle ne visait, comme toute très bonne comédie, qu’à pointer la bêtise de certains, et leurs marges de changement ?

Qu’on ne s’y trompe pas, dans la droite lignée des comédies franches, Sou Abadi signe un film salutaire, qui nous remet les points sur les « i ». Naïf ? Si cela veut dire qu’elle ne prend pas à tout prix le ton d’un documentaire dramatique diffusé à une heure de grande écoute, alors d’accord. C’est que la réalisatrice conte une histoire, une vision, valable pour ses personnages au moment « m ». Elle n’a jamais prétendu le contraire, et il est bon, parfois, de rappeler la liberté des artistes de ne pas être à tout prix « sérieux » ou « réalistes ».

Alors, on entend les grincheux qui trouvent qu’on ne peut pas rire de tout, encore moins avec tout le monde… D’autres leur ont déjà répondu. Notre seule injonction face à eux sera de les envoyer voir le film, drôle, intéressant, et sincère. Et dans l’horizon des comédies françaises actuelles, ce n’est déjà pas si mal.