La Ballade de Buster Scruggs

Il était six fois dans l’Ouest

Tourné dans le ton des films à sketches italiens des années 1960, le nouveau western des frères Coen, découpé en six histoires, est une œuvre de récréation brillante, qui se révèle par moments surprenante.

On le sait, la nouvelle œuvre des frères Coen était au départ conçue comme une mini-série en six épisodes pour la plateforme Netflix, avant de se voir transformée en film, intégrant le parcours des festivals internationaux. La pirouette choisie pour en faire un long métrage fut la plus judicieuse, celle d’un film à sketches, le ton globalement comique de l’affaire se prêtant bien au format. Film léger et brillant, comme peuvent l’être Burn After Reading ou Ave César, ce long métrage omnibus leur permet d’explorer sous différents tons la mythologie du grand ouest. Le premier, celui de la satire, est le plus immédiatement efficace et le plus évident. Il concerne les deux segments qui ouvrent le film, La Ballade de Buster Scrubbs, comédie musicale et meurtrière, et Near Algodones, qui suit les exploits d’un braqueur de banques : proches du western italien, ces deux courtes histoires, violentes et cartoonesques réjouissent mais ne surprennent pas. L’esprit plus mélancolique de The Gal Who Got Rattled et surtout de la superbe pastorale All Gold Canyon (avec un Tom Waits minéral et quasi muet) rappellent le ton désenchanté de No Country for Old Men, qui cachait un grand western sous son intrigue de polar. Si ces quatre histoires placent Buster Scruggs dans la continuité des comédies à sketches italiennes des années 1960, deux segments, qui flirtent avec le fantastique, restent les plus intrigants du film. The Mortal Remains, déambulation nocturne dans une diligence sortie du Nosferatu de Murnau, et surtout Meal Ticket, où Liam Neeson incarne l’impresario machiavélique de la bête de foire d’un spectacle itinérant, rappellent tout à la fois l’esthétique de Mario Bava (et plus particulièrement Les Trois VIsages de la peur) et l’esprit d’un Kafka ou d’un Gogol. Cette inspiration profondément européenne fascine d’autant plus dans un film ancré dans le genre le plus américain qui soit.